Résumé

Cette visite de trois jours à l’IUT du Limousin s’inscrit dans le cadre d’une analyse comparative des formations en ingénierie dans différents établissements d’enseignement supérieur. Elle a permis une immersion approfondie dans une structure universitaire fortement professionnalisante, marquée par un lien très étroit avec les milieux industriels régionaux, une culture de l’alternance bien ancrée, et une pédagogie orientée vers les compétences.

Le Bachelor Universitaire de Technologie (BUT) et plus particulièrement la spécialité Génie Mécanique et Productique (GMP), se distingue par une formation de trois ans de grade licence, construite autour de projets, de travaux pratiques, et d’une proximité quotidienne avec les entreprises. Le lien entre enseignement et recherche y est moins visible que dans les hautes écoles spécialisées suisses, mais l’IUT se caractérise par une très forte culture de développement technologique et d’amélioration des procédés. L’approche par compétences est renforcée par l’usage d’un portfolio individuel qui accompagne l’étudiant ou l’étudiante tout au long du parcours.

La visite a également permis d’aborder des thématiques transversales telles que l’attractivité des formations techniques, la place des femmes dans les cursus industriels, ou encore les tensions entre insertion professionnelle immédiate et poursuite d’études. Bien que l’État français promeuve une insertion rapide à l’issue du BUT, la majorité des diplômées et diplômés poursuit ses études, ce qui pose des défis en termes de régulation et d’adéquation aux besoins du marché du travail.

Par ailleurs, des perspectives concrètes de collaboration ont été évoquées, notamment en matière d’échanges étudiants, de projets conjoints et de double-diplômes. Ces ambitions doivent néanmoins faire l’objet d’une analyse détaillée par les responsables de programme afin de garantir la compatibilité des cursus et la reconnaissance mutuelle des acquis. Ce rapport propose ainsi une synthèse des observations, des entretiens menés et des axes d’analyse identifiés, dans une logique de mise en relation entre les modèles français et suisses de formation en ingénierie.

Contexte de l’école

L’Institut Universitaire de technologie (IUT) fait partie de l’Université de Limoges (UniLim)[1]. Cette dernière, au cœur d’un territoire verdoyant et dynamique incarne une institution ouverte et engagée, alliant proximité humaine et excellence scientifique. Avec plus de 16’000 étudiantes et étudiants, elle développe une vision de l’enseignement supérieur ancrée dans l’innovation, la pluridisciplinarité et la contribution active au développement social, culturel et économique de son territoire. L’université se distingue par sa capacité à conjuguer recherche de pointe, ancrage territorial et ambition internationale, le tout dans un environnement propice à l’épanouissement individuel et collectif.

Humaniste et accessible, l’Université de Limoges s’illustre par sa personnalité singulière : un campus à taille humaine, des enseignants et enseignantes disponibles, une vie étudiante riche, et des formations connectées aux enjeux de demain. Elle s’impose comme un pôle d’expertise reconnu dans des domaines tels que les sciences des matériaux, l’optique, la santé, l’environnement ou encore le droit du sport. Ce positionnement affirmé lui permet de proposer une offre de formation complète, de la licence au doctorat, tout en cultivant des liens étroits avec le monde professionnel et les territoires.

Son engagement en faveur d’une société plus juste, plus inclusive et durable se voit renforcé par sa participation au réseau d’universités européennes EUPeace[2]. Ce consortium met au cœur de son action la promotion de la paix, de la justice et des sociétés inclusives. En rejoignant cette initiative, l’Université de Limoges affirme sa volonté de former les citoyennes et citoyens de demain à la compréhension des conflits, à la diversité et à la construction de solutions pacifiques et durables. Elle participe ainsi activement à une dynamique européenne qui traverse les disciplines, du droit à la médecine, de l’ingénierie aux sciences humaines, et qui transforme les savoirs académiques en compétences concrètes au service des communautés.

Résolument tournée vers l’avenir, l’Université de Limoges incarne un modèle d’université engagée dans l’économie de la connaissance et attentive aux défis sociaux contemporains. Elle forme non seulement des professionnelles et professionnels compétents, mais également des individus conscients de leur responsabilité collective et de leur rôle dans la construction d’un monde plus équitable.

L’Université de Limoges s’organise autour de plusieurs composantes académiques couvrant l’ensemble des grands champs disciplinaires. Cette structuration favorise à la fois la spécialisation, la transversalité et l’ouverture vers des parcours professionnalisants ou de recherche. Les principales entités de formation et de recherche sont les suivantes :

  • Faculté de Droit et des Sciences Économiques
  • Faculté de Médecine
  • Faculté de Pharmacie
  • Faculté des Lettres et Sciences Humaines
  • Faculté des Sciences et Techniques
  • Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation (INSPE)
  • Institut de Préparation à l’Administration Générale (IPAG)
  • Institut Universitaire de Technologie (IUT) du Limousin
  • École Universitaire de Management (IAE)
  • Institut Limousin de Formation aux Métiers de la Réadaptation (ILFOMER)
  • École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges – École Nationale Supérieure de Céramique Industrielle (ENSIL-ENSCI)

Cette diversité structurelle permet à l’université d’offrir des formations adaptées aux besoins des étudiantes, étudiants et territoires, tout en développant une recherche reconnue aux niveaux national et international.

L’Institut Universitaire de Technologie (IUT) du Limousin[3], créé en 1968, constitue une composante essentielle de l’Université de Limoges, engagée depuis toujours dans une mission de professionnalisation de l’enseignement supérieur. Avec près de 2’500 étudiantes et étudiants répartis sur cinq sites – Limoges, Brive, Égletons, Guéret et Tulle – l’IUT propose un environnement d’apprentissage à taille humaine, ancré dans les réalités économiques et sociales du territoire.

L’IUT du Limousin délivre principalement le Bachelor Universitaire de Technologie (BUT.), diplôme de référence des IUT, qui se prépare en trois ans et confère le grade de licence. Reposant sur une approche par compétences, ce cursus met l’accent sur des situations d’apprentissage et d’évaluation proches du monde professionnel. L’alternance, les travaux pratiques, les mises en situation, les projets tutorés et les stages constituent des leviers majeurs pour développer l’autonomie, la rigueur et la capacité à s’adapter, tout en offrant une véritable insertion dans le monde du travail.

Fort de ses 13 départements d’enseignement, l’IUT couvre un large éventail de spécialités dans les domaines industriel, numérique et tertiaire. Toutes les formations sont accessibles à plein temps ou en alternance (très large majorité). Les formations permettent aussi bien une insertion professionnelle immédiate qu’une poursuite d’études. Cette double finalité est appuyée par une forte dynamique de partenariat avec les milieux socio-économiques régionaux. L’engagement dans une démarche qualité permet par ailleurs de garantir une amélioration continue des pratiques pédagogiques et des relations avec les partenaires.

À travers ses valeurs d’engagement, d’ouverture et d’ancrage territorial, l’IUT du Limousin incarne pleinement la vocation universitaire d’allier excellence académique, utilité sociale et réussite pour toutes et tous.

Entretiens

Contexte

Accueilli chaleureusement pendant trois jours à l’IUT du Limousin, j’ai pu bénéficier d’un programme de rencontres particulièrement riche et structuré, grâce à l’engagement de Patrick Fauchère, responsable du département Génie Mécanique et Productique (GMP). Je tiens à remercier les nombreuses personnes rencontrées à cette occasion, notamment Laurent Bourdier, Directeur du pôle international, Pierre Carrillo et Alain Hyvernaud pour les échanges sur l’alternance, Thomas Fromenteze pour la présentation du laboratoire XLIM, Bruno Mazières, Romain Lucas-Ropert et Albert Jean pour les discussions sur l’international et les coopérations potentielles. Un temps d’échange spécifique a également été organisé avec Laurent Delage, directeur de l’IUT. Cette visite répondait à une double ambition. Du côté de l’IUT, il existe un véritable souhait de coopération avec la HES-SO, aussi bien dans le champ de la formation que dans celui de la mobilité étudiante et de la recherche appliquée. Pour ma part, cette mission s’inscrivait dans une analyse du positionnement des formations Bachelor Universitaire de Technologie (BUT) dans le paysage français, en comparaison avec le système HES en Suisse et l’offre des écoles d’ingénieur·es, notamment à travers la proposition émergente de Bachelor en ingénierie.

Présentation de l’IUT

L’IUT du Limousin fait partie intégrante de l’Université de Limoges, qui regroupe plus de 17’000 étudiantes et étudiants répartis entre cinq instituts, cinq facultés, huit écoles doctorales et une école d’ingénieurs (ENSIL-ENSCI). Le pôle de formation est fortement ancré dans les réalités industrielles régionales, avec une orientation claire vers la professionnalisation. Le département GMP en est un exemple emblématique, intégrant des pratiques pédagogiques par projet, des formations en alternance et une proximité affirmée avec les entreprises du territoire. L’IUT se distingue par des partenariats anciens et structurants, en particulier avec l’Université des Mascareignes (Ile Maurice), l’Université de La Réunion et des institutions marocaines. Ces collaborations s’inscrivent dans une logique de co-développement, avec un appui à la structuration de cursus locaux, en lien avec les priorités économiques et les besoins de formation sur place.

Alternance, relations entreprises et recherche

L’alternance constitue un pilier central de l’approche pédagogique portée par l’IUT du Limousin. Elle est aujourd’hui majoritairement mise en œuvre en troisième année du BUT, mais certaines formations expérimentent également l’alternance dès la deuxième année. Les relations avec les entreprises sont solides, avec une forte implication des milieux professionnels dans la construction des maquettes et l’encadrement des étudiantes et étudiants. Ce modèle repose néanmoins sur un équilibre parfois fragile, notamment en raison de la dépendance à un grand nombre de vacataires professionnels, dont la gestion administrative reste complexe.

Les échanges avec les responsables de l’alternance ont également mis en lumière les dynamiques de filière, les tensions sur le recrutement des technicien·nes et les efforts de promotion des métiers industriels. Le secteur du GMP, par exemple, connaît une hausse des candidatures mais reste confronté à une difficulté structurelle à combler l’ensemble des besoins des entreprises. Des outils comme le jeu Forindustrie[4], ou encore des coopérations sectorielles au sein de clusters comme Mecanic Vallée[5], montrent l’effort de renouvellement des approches en matière d’orientation et de communication. Les tensions entre la montée en puissance des écoles d’ingénieurs, les besoins de formation intermédiaire (techniciennes et techniciens à bac +3) et les attentes des entreprises constituent un sujet central. De nombreuses passerelles existent avec les écoles d’ingénieur·es locales ou partenaires (notamment via des double-diplômes ou des parcours mixtes en 3ème année), mais la concurrence reste parfois vive, notamment avec les classes préparatoires intégrées.

Laboratoire XLIM

La visite du laboratoire XLIM (UMR CNRS 7252), situé en zone à régime restrictif (ZRR), a permis d’appréhender les activités de recherche de haut niveau en électronique, photonique, mathématiques et informatique. Guidée par Thomas Fromenteze, cette immersion a révélé un environnement très structuré, où la recherche fondamentale et appliquée coexistent. Toutefois, un certain décalage reste perceptible entre les activités de recherche menées à XLIM et les besoins pédagogiques de l’IUT. Le lien enseignement-recherche, bien qu’existant, n’est pas toujours fluide, ce qui interroge sur les modalités de valorisation de la recherche au sein des formations professionnalisantes courtes.

Relations internationales et perspectives de coopération

La dernière journée de visite a été consacrée aux relations internationales et aux perspectives de coopération. L’IUT du Limousin développe une offre variée de mobilités sortantes, de doubles diplômes et d’écoles d’été ou d’hiver, avec une attention particulière à la reconnaissance des acquis, aux équivalences de semestre et à l’accompagnement pédagogique. Des échanges prometteurs ont eu lieu autour de projets entrepreneuriaux étudiants, d’initiatives collaboratives (type Team Academy) et de dispositifs d’innovation pédagogique.

Des convergences évidentes apparaissent avec plusieurs dispositifs portés dans le cadre de la HES-SO, notamment en matière de collaboration transfrontalière, de pédagogie par projet et de soutien à l’entrepreneuriat. Des pistes de coopération concrètes ont été évoquées, en particulier avec les hautes écoles du domaine Ingénierie et Architecture comme la HEIG-VD ou HEPIA, notamment autour des formations en gestion, du développement durable, et de la mise en œuvre de projets interdisciplinaires.

Analyse

Niveau des formations en ingénierie

Le système français de formation en ingénierie repose sur une grande diversité de parcours post-bac, parmi lesquels le BUT constitue une voie professionnalisante désormais bien structurée. Instauré en 2021, ce diplôme national de grade licence (bac+3) est proposé par les IUT. Il vise à former des techniciennes et techniciens supérieurs capables de répondre aux besoins des secteurs industriels tout en conservant une ouverture à la poursuite d’études, notamment vers les écoles d’ingénieur·es et ce, pour les trois dernières années.

Le BUT GMP[7] incarne bien cette ambition. Ouvert aux titulaires de bacs généraux à dominante scientifique ou de bacs technologiques, il propose une formation sur trois ans, intégrant de nombreux travaux pratiques, des projets tutorés et des périodes substantielles en entreprise (jusqu’à 26 semaines au total). La pratique représente plus de 40 % de l’enseignement, ce qui reflète une volonté forte d’ancrer les savoirs dans des contextes concrets, professionnalisants et multidisciplinaires.

Le diplôme forme aux fonctions d’encadrement technique et professionnel dans toutes les étapes de la vie d’un produit : conception, industrialisation et organisation de la production. À travers un tronc commun et cinq parcours nationaux proposés dès la deuxième année, les étudiantes et étudiants développent des compétences dans des domaines variés comme l’innovation industrielle, la simulation numérique, la réalité virtuelle ou encore le développement durable. Le dispositif est complété par une évaluation par compétences (via les SAE – situations d’apprentissage et d’évaluation), un accompagnement individuel (portfolio de compétences) et une pédagogie par projet fortement développée.

Comparé au bachelor HES (en Suisse), le BUT partage une orientation similaire vers la professionnalisation, la pédagogie active et le lien avec les milieux socio-économiques. Toutefois, le bachelor HES se distingue par une entrée après une première expérience professionnelle ou une maturité spécialisée précédée par un apprentissage proche de la formation visée. Ceci implique des connaissances pratiques déjà intégrées avant les études. Le bachelor HES, en ingénierie, inclut également un volume scientifique plus élevé dès la première année, en lien avec une logique de formation d’ingénieur·es praticien·nes. De plus, le lien entre enseignement et recherche appliquée y est particulièrement marqué : les projets menés au cours du cursus intègrent souvent des problématiques d’innovation, d’optimisation de processus ou de développement technologique. Cette articulation forte entre formation et recherche, même au niveau bachelor, contribue à renforcer les compétences d’analyse et de résolution de problèmes complexes, en lien avec les défis concrets des milieux professionnels.

Enfin, certaines écoles d’ingénieurs en France développent aujourd’hui des bachelors en ingénierie, accrédités par la CTI, souvent proposés en alternance. Ces formations visent à répondre à la demande croissante des entreprises pour des profils bac+3 dotés de compétences opérationnelles. Elles s’inspirent partiellement du modèle BUT tout en s’alignant sur les standards des écoles d’ingénieurs (sélection à l’entrée, lien plus direct avec les formations ingénieures, parfois sur des plateformes indépendantes comme Parcoursup ou hors de celle-ci).

Ces différentes formations illustrent un paysage complexe, dans lequel les attentes du monde industriel, la logique académique des universités et les stratégies des écoles d’ingénieurs coexistent, parfois en tension. L’analyse de ces parcours permet de mieux situer les formations suisses dans leur positionnement européen, en particulier lorsque se posent des questions de mobilité, d’équivalence ou de double diplôme.

Voici ci-dessous le tableau comparatif des formations en ingénierie (BUT GMP, Bachelor HEIA-FR en Génie civil[8] et Bachelor INSA en Génie civil et environnement[9]), basé sur les volumes horaires estimés sur trois ans pour chaque catégorie : soft skills, sciences, connaissance du métier, travaux pratiques, projets encadrés et stages/alternance. A noter que cette analyse a été réalisée de manière grossière et rapidement. Les valeurs notées doivent faire l’objet d’une vérification par les responsables des programmes correspondant.

CatégorieBUT GMP (IUT)Bachelor HEIA-FR (GC)Bachelor INSA (GC)
Soft skills (communication, langues, éthique, sport)                                  200                                  270                                  180
Sciences (maths, physique, chimie)                                  600                                  840                                  480
Connaissance du métier (technologie, normes, économie)                                  650                               1’050                                  580
Travaux pratiques / laboratoires                                  850             
 780
                                  600
Projets encadrés                                  600                                  675                                  450
Stages en entreprise / alternance                                  900                                  840                               1’250
Total                               3’800                               4’455                               3’540

Comparaison approximative entre les formations des heures d’enseignement (à vérifier avec les responsables des programmes)

L’analyse, en l’état, montre néamoins que les BUT par rapport aux bachelors réalisés par les écoles d’ingénieurs en France sont proches dans la volumétrie et la typologie des enseignements. Au niveau HES, l’exigence des compétences professionnelles préalables et les exigences en sciences et en connaissance métier semblent plus importantes.

La comparaison doit être reprise dans le cas d’une coopération entre nos deux écoles. Il pourrait être intéressant de réaliser une comparaison entre la formation “Ingénieur” (BAC+5) et la formation bachelor HES.

Lien avec les milieux professionnels


La visite de l’IUT du Limousin avait pour objectif principal d’analyser le positionnement des formations de type BUT par rapport aux formations HES et aux bachelors proposés par les écoles d’ingénieurs en France. Ce déplacement visait également à explorer les potentiels de collaboration, notamment en matière de mobilité, de double-diplôme ou de projets pédagogiques communs.

Premièrement, le lien entre enseignement et recherche n’apparaît pas comme structurant dans la formation des étudiantes et étudiants de BUT. S’il existe une activité de recherche portée par des enseignants-chercheurs rattachés à des unités mixtes (notamment XLIM), le lien direct avec les formations IUT est limité. L’IUT semble davantage positionné sur l’amélioration des procédés, le prototypage et le développement de solutions techniques, que sur l’innovation fondée sur une démarche scientifique approfondie. En comparaison, les HES intègrent dès le bachelor une dimension de recherche appliquée, directement liée aux projets étudiants, souvent en lien avec l’innovation ou l’optimisation de processus.

En revanche, la relation avec les entreprises constitue un pilier central de la formation. L’alternance dès la 2e année et les stages obligatoires dans le cursus plein temps permettent une immersion prolongée dans le monde professionnel. L’alternance est très développée au sein de l’IUT du Limousin et portée par des acteurs spécialisés (chargé de mission entreprise, plateforme AREXIS pour le suivi). Ce lien entreprise–formation repose aussi sur la structuration des enseignements autour de situations d’apprentissage et d’évaluation (SAE), qui mobilisent des compétences transversales dans des contextes proches de ceux rencontrés en entreprise.

L’introduction du portfolio de compétences constitue un élément notable : il permet à l’étudiante ou à l’étudiant de suivre de manière autonome le développement de ses compétences tout au long du cursus. Ce dispositif renforce l’autonomie, la capacité réflexive et la prise de responsabilité sur le parcours de formation.

La question du genre reste un point sensible dans les filières techniques, notamment en GMP. Le nombre de jeunes femmes reste faible malgré les efforts engagés pour promouvoir la mixité. Ce constat est partagé avec d’autres contextes européens et souligne la nécessité de poursuivre des actions de sensibilisation et de valorisation des métiers techniques auprès de toutes et tous.

Un autre élément central à relever dans le contexte français est la volonté affirmée des autorités publiques et des milieux économiques de favoriser une insertion professionnelle rapide des diplômées et diplômés du BUT, avec un objectif souvent affiché d’au moins 50 % de sortie directe vers le monde du travail. Cette orientation s’inscrit dans une logique de réponse aux besoins croissants en technicien·nes qualifié·es ou ingénieur·e assistant·e, dans un contexte de réindustrialisation et de renouvellement générationnel des compétences.

Cependant, cette ambition est largement contrecarrée par deux phénomènes majeurs. D’une part, la très forte volonté des étudiantes et étudiants de poursuivre leurs études, notamment en école d’ingénieurs ou en master, souvent encouragée par les familles et par la structure même du système éducatif français. D’autre part, l’absence de mécanisme formel de régulation de la poursuite d’études dans le système universitaire : aucun quota n’est fixé pour limiter l’accès aux écoles d’ingénieurs après un BUT et les logiques de sélection se font principalement sur dossier, voire sur concours.

Cette situation crée une forme de dissonance structurelle : les entreprises expriment des besoins en technicien·nes immédiatement opérationnel·les, tandis que les trajectoires étudiantes s’inscrivent majoritairement dans un horizon de poursuite d’études. Les IUT se retrouvent parfois dans une position intermédiaire, devant répondre à des injonctions contradictoires entre professionnalisation directe et excellence académique.

En résumé, si les BUT présentent certaines limites en termes de lien direct avec la recherche, ils offrent une excellente insertion dans le tissu économique local et une pédagogie orientée vers les compétences pratiques, la professionnalisation et la responsabilisation progressive des étudiantes et étudiants. Ces éléments peuvent nourrir la réflexion sur les complémentarités possibles avec les dispositifs HES et les modalités d’ouverture à des collaborations transfrontalières.

ObjectifObservations
1. Développement des programmes en collaboration avec les milieux professionnels 
1.1 Analyser les stratégies adoptées pour intégrer des partenariats avec les entreprisesL’IUT du Limousin entretient des relations très étroites avec les entreprises, en particulier via l’alternance à partir de la 2e année et les nombreux stages intégrés dans les parcours. Des chargé·es de mission accompagnent les étudiantes et étudiants ainsi que les entreprises. Le dispositif AREXIS permet un suivi structuré (tuteur académique, tuteur entreprise, suivi administratif).
1.2 Identifier les pratiques innovantes de co-construction répondant aux besoins du marchéDes SAE (Situations d’Apprentissage et d’Évaluation) sont construites en lien avec des problématiques réelles d’entreprise. Le portfolio de compétences individuel contribue également à relier les apprentissages aux réalités du terrain. Les maquettes incluent des vacataires professionnels pour assurer l’alignement avec les pratiques actuelles du secteur.
2. Attractivité des formations en ingénierie 
2.1 Étudier les initiatives visant à renforcer l’attractivité des filières, notamment en lien avec l’employabilitéLa forte présence de stages et d’alternance rend les formations concrètes et insérantes. Les liens avec des clusters industriels régionaux, comme Mecanic Vallée, et des jeux pédagogiques tels que Forindustrie participent à la valorisation des métiers techniques.
2.2 Analyser les dispositifs mis en place pour attirer davantage d’étudiantes et d’étudiantsLa mixité reste un défi, en particulier en GMP. Peu d’étudiantes sont présentes malgré les efforts de communication. Les formations liées au vivant attirent davantage de femmes. Des réflexions sur la représentation des métiers et la mixité sont en cours, mais les leviers restent limités au niveau local.
3. Formation courte versus cycles longs 
3.1 Comparer les programmes professionnalisants courts avec les filières classiques (5 ans)Le BUT est pensé comme une formation professionnalisante à bac +3, mais plus de 60 % à 80 % des diplômé·es poursuivent en école d’ingénieurs ou en master. Les écoles recrutent souvent dès la 2ème année, créant une tension entre l’objectif de formation courte et la réalité des parcours.
3.2 Identifier les forces et limites des deux systèmes (flexibilité, employabilité, transfert de compétences)Le BUT offre une bonne employabilité à bac+3, mais la reconnaissance reste partielle face aux écoles d’ingénieur·es. Il offre davantage de souplesse que les classes préparatoires, avec une pédagogie plus active et intégrée. Toutefois, l’absence de régulation de la poursuite d’études limite son rôle comme formation terminale.
4. Flexibilité des formations 
4.1 Explorer les dispositifs favorisant la modularité : VAE, micro-certifications, parcours hybridesDes dispositifs comme la VAE existent, mais restent peu utilisés à l’IUT. La modularité est limitée à la structuration en SAE et à l’alternance. Il n’y a pas de micro-certifications ni de parcours hybrides largement déployés dans les formations visitées.
4.2 Étudier l’effet de ces dispositifs sur la réussite académique et les parcours individualisésL’accompagnement personnalisé via le portfolio et les SAE contribue à la construction progressive du parcours. Néanmoins, l’individualisation reste cadrée dans une progression standardisée sur 3 ans. Peu de dispositifs favorisent les parcours à rythme personnalisé.
5. Articulation entre enseignement et recherche 
5.1 Analyser des exemples de collaboration réussie entre enseignement et rechercheLe lien avec les laboratoires de recherche (comme XLIM) est présent via les personnels enseignants-chercheurs, mais il existe peu d’articulations directes entre les projets de recherche et les contenus pédagogiques en BUT.
5.2 Identifier les pratiques favorisant la participation des étudiantes et des étudiants à la recherche dès le bachelorAucun dispositif structuré n’a été identifié pour permettre une participation active des étudiantes et des étudiants à la recherche dès le bachelor. La formation reste orientée vers le développement technique appliqué et l’insertion professionnelle.

Conclusion

La visite de l’IUT du Limousin s’inscrit pleinement dans les objectifs de mon congé scientifique, en offrant une immersion approfondie dans une structure universitaire fortement ancrée dans les logiques de professionnalisation. L’approche pédagogique fondée sur les compétences, les liens étroits avec le tissu économique régional, ainsi que l’importance donnée à l’alternance et aux stages constituent des éléments très différenciants et inspirants.

L’analyse menée montre que le BUT, dans sa version rénovée, présente des proximités intéressantes avec les bachelors HES, notamment dans l’intégration de la pratique, la pédagogie de projet et le souci de l’accompagnement individuel. Néanmoins, des écarts demeurent, notamment en termes d’intensité scientifique, de lien avec la recherche appliquée et de prérequis professionnels à l’entrée.

Les échanges menés sur place confirment une volonté réelle de collaboration du côté de l’IUT. Toutefois, toute coopération concrète devra passer par une analyse détaillée des plans d’étude et des attentes pédagogiques respectives, afin de garantir une reconnaissance mutuelle cohérente des formations. Cette étape d’alignement est essentielle, car les différences de culture académique, de gouvernance et de finalités pédagogiques peuvent induire des décalages significatifs malgré des apparences similaires. Cette visite constitue donc une première étape prometteuse. Elle ouvre des perspectives de dialogue entre institutions qui partagent un même attachement à la qualité de la formation, à la réussite étudiante et à l’utilité sociale de l’enseignement supérieur. C’est dans cette dynamique d’ouverture et de convergence que pourront s’envisager de futures synergies entre la HES-SO et l’IUT du Limousin.

Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à l’ensemble des personnes rencontrées lors de cette visite à l’IUT du Limousin pour leur accueil chaleureux, la richesse des échanges et le partage d’expérience. Mes remerciements vont en particulier à Patrick Fauchère, responsable du département Génie Mécanique et Productique, qui a non seulement soutenu cette visite mais en a aussi assuré la coordination avec une grande disponibilité et une remarquable efficacité.

Je remercie également Laurent Bourdier, Pierre Carrillo, Alain Hyvernaud, Thomas Fromenteze, Bruno Mazières, Romain Lucas-Ropert, Albert Jean, ainsi que Laurent Delage, Directeur de l’IUT, pour les discussions approfondies et les perspectives ouvertes durant ces trois jours. Leurs contributions ont permis une meilleure compréhension du positionnement des formations BUT dans l’écosystème universitaire français et de leurs liens étroits avec les milieux professionnels.

Enfin, je souligne l’ouverture d’esprit et la volonté de dialogue manifestées par l’ensemble des interlocuteurs et interlocutrices, qui ont rendu cette immersion particulièrement stimulante et constructive dans le cadre de ma mission d’analyse comparative internationale des formations en ingénierie. À toutes et à tous, un grand merci pour votre disponibilité, votre engagement et votre ouverture, qui témoignent de la vitalité de votre institution et de son ancrage dans les défis contemporains. Ces échanges nourriront assurément les réflexions du Conseil de domaine Ingénierie et Architecture de la HES⁠-⁠SO.



[1]      https://www.unilim.fr, consulté le 04.06.2025.

[2]      https://www.eupeace.eu, consulté le 04.06.2025.

[3]      https://www.iut.unilim.fr, consulté le 04.06.2025.

[4]      https://www.forindustrie.fr, consulté le 08.06.2025.

[5]      https://www.mecanicvallee.com, consulté le 08.06.2025.

[7]      https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-12/g-nie-m-canique-et-productique-30840.pdf, consulté le 08.06.2025.

[8]      https://www.heia-fr.ch/fr/formation/bachelor/genie-civil/programme-de-formation, consulté le 08.06.2025.

[9]      https://enise.ec-lyon.fr/sites/enise/files/content/Fichier%20PDF/syllabus-bachelor.pdf, consulté le 08.06.2025.