Résumé

Le rapport consacré à NHL Stenden University of Applied Sciences  (Hogeschool) s’inscrit dans le cadre d’un congé scientifique visant à analyser l’évolution de l’enseignement supérieur appliqué en Europe, et plus particulièrement dans le domaine de l’ingénierie et de l’architecture. L’étude met en lumière le rôle singulier joué par NHL Stenden dans le nord des Pays-Bas, en croisant son ancrage régional avec une ouverture internationale affirmée.

L’université est le fruit d’une fusion opérée en 2018 entre la NHL Hogeschool et la Stenden Hogeschool, deux institutions dotées d’histoires riches et complémentaires. La création de cette nouvelle entité répondait à la volonté de renforcer la compétitivité et l’attractivité de l’offre de formation dans une région marquée par des défis démographiques et économiques. Depuis cette fusion, NHL Stenden a poursuivi une stratégie combinant innovation pédagogique, diversification des programmes et internationalisation, tout en restant fortement connectée aux besoins de son territoire.

Sur le plan quantitatif, l’institution se situe parmi les grandes hogescholen néerlandaises, avec plus de 22 000 étudiantes et étudiants et environ 2 500 collaboratrices et collaborateurs, répartis sur plusieurs campus aux Pays-Bas et dans des implantations internationales (Qatar, Afrique du Sud, Thaïlande, Indonésie). Chaque année, elle délivre plusieurs milliers de diplômes, allant des associate degrees (2 ans de formation) aux masters professionnalisants. Une tendance marquante réside dans la baisse des inscriptions en bachelor, contrastant avec la croissance des programmes courts, notamment les associate degrees, qui offrent une entrée plus rapide sur le marché du travail et répondent à la demande croissante de flexibilité.

Le modèle éducatif de NHL Stenden repose sur le Design Based Education (DBE), une approche innovante qui place les étudiantes et étudiants au centre de leur apprentissage en les engageant dans des projets concrets et multidisciplinaires. Inspiré du design thinking et de la pédagogie par projet, ce modèle vise à développer des compétences transversales telles que la créativité, la collaboration et la résolution de problèmes complexes. Il implique également une évolution du rôle des enseignantes et enseignants, désormais davantage perçus comme coachs ou facilitateurs que comme transmetteurs de savoir. Le DBE est progressivement déployé dans l’ensemble des programmes, et ses effets sont évalués de manière systématique à travers la recherche appliquée menée par les professorships.

L’un des traits distinctifs de NHL Stenden réside dans la forte articulation entre formation et monde professionnel. La mise en place de contrats tripartites associant l’étudiant, l’institution et l’entreprise illustre ce lien étroit. De nombreuses formations intègrent des périodes de travail en entreprise ou des projets réalisés en collaboration directe avec des partenaires économiques. Cette approche permet non seulement de renforcer l’employabilité des diplômés, mais aussi d’assurer une adéquation constante entre les curricula et les besoins du marché du travail.

La flexibilité constitue un autre pilier de l’identité institutionnelle. NHL Stenden propose des parcours diversifiés – temps plein, temps partiel, dual – tout en développant des dispositifs modulaires tels que les micro-certifications et la validation des acquis. Cette modularité favorise la personnalisation des parcours et soutient l’ambition d’un apprentissage tout au long de la vie. Elle répond aux attentes des étudiantes et étudiants, mais aussi à celles des entreprises confrontées à l’évolution rapide des compétences nécessaires.

Enfin, l’université revendique un équilibre entre son rôle régional et son rayonnement international. Son ancrage territorial se traduit par des collaborations fortes avec les acteurs socio-économiques locaux, notamment dans les domaines de l’entrepreneuriat, de l’ingénierie maritime et de la durabilité. En parallèle, sa participation à des réseaux comme RUN-EU et son programme Grand Tour témoignent d’une ouverture internationale qui enrichit les parcours et stimule l’innovation.

En conclusion, NHL Stenden apparaît comme une institution en mouvement, qui conjugue ancrage et internationalisation, innovation pédagogique et pragmatisme organisationnel. Sa capacité à impliquer les étudiantes et étudiants dans des projets concrets avec le monde professionnel, combinée à une flexibilité structurelle, en fait un acteur de référence dans l’enseignement supérieur appliqué européen.

Description de l’université

Histoire de l’institution

Introduction

NHL Stenden University of Applied Sciences est le fruit d’un long processus d’évolutions institutionnelles et de fusions successives entre plusieurs hautes écoles du nord des Pays-Bas. L’institution actuelle, officiellement créée le 1er janvier 2018, regroupe l’héritage de la NHL Hogeschool et de la Stenden Hogeschool, chacune ayant une histoire riche et un ancrage régional fort.

Les origines de Stenden Hogeschool

La Stenden Hogeschool[1] résulte d’une fusion en 2008 entre la Hogeschool Drenthe[2] (HD) et la Christelijke Hogeschool Nederland (CHN) de Leeuwarden. La Hogeschool Drenthe disposait de sites dans plusieurs villes de la province de Drenthe (Assen, Emmen, Meppel) et proposait des formations orientées vers l’enseignement, l’économie et les professions sociales. La CHN, quant à elle, était reconnue pour ses programmes dans les domaines de l’hôtellerie, du tourisme et de l’éducation. La création de Stenden visait à unir ces expertises dans une institution moderne et ouverte sur l’international.

Le développement de NHL Hogeschool

La NHL Hogeschool[3] (Noordelijke Hogeschool Leeuwarden) était, avant la fusion de 2018, l’une des principales hautes écoles appliquées de la région frisonne. En 2009, elle a adopté une nouvelle identité visuelle et institutionnelle (« huisstijl »), se positionnant comme un établissement aux ambitions nationales et internationales, au-delà de son ancrage géographique de Leeuwarden. Cette évolution s’est accompagnée d’un déménagement dans un nouveau bâtiment emblématique, conçu par l’architecte Herman Hertzberger et inauguré en mai 2010 par la princesse Máxima. L’institution regroupait alors environ 70 programmes de bachelor et master, ainsi que plusieurs centres de recherche appliquée.

La fusion entre NHL et Stenden

Le 1er janvier 2018, NHL Hogeschool et Stenden Hogeschool fusionnent officiellement pour donner naissance à NHL Stenden University of Applied Sciences[4]. Cette fusion a été pensée comme une réponse aux évolutions du paysage de l’enseignement supérieur néerlandais, avec l’ambition de renforcer la compétitivité et l’attractivité de l’offre de formation dans le nord du pays. Les deux institutions partageaient déjà une orientation commune : un enseignement pratique, interdisciplinaire et en lien étroit avec le monde professionnel.

Le processus de convergence pédagogique a été accompagné par l’agence danoise Kaospilot, qui a travaillé à la création d’un langage éducatif commun et à la mise en place d’un modèle d’apprentissage basé sur des projets, désormais connu sous le nom de Design-Based Education[5]. Cette approche vise à rapprocher les étudiantes et étudiants, le corps professoral et les partenaires externes autour de défis concrets.

Développements depuis la fusion

Un élément distinctif est l’intégration du Maritime Institute Willem Barentsz (MIWB)[6] et [7], fondé dès 1875 à Terschelling et désormais rattaché à NHL Stenden. Cet institut propose des formations maritimes de niveau bachelor et master, renforçant l’expertise de l’établissement dans les secteurs liés à la mer et à la navigation.

Depuis la fusion, l’université de sciences appliquées poursuit sa stratégie d’innovation pédagogique et de diversification des formations. La mise en place d’initiatives telles que le Center for Entrepreneurship (CFE)[8] illustre cette volonté de soutenir l’entrepreneuriat étudiant et de favoriser le transfert de connaissances avec le tissu économique régional.

NHL Stenden aujourd’hui

Selon le rapport annuel 2024[9], NHL Stenden, répartis sur plusieurs campus aux Pays-Bas (Leeuwarden, Emmen, Meppel, Terschelling) ainsi que sur des implantations internationales (Qatar, Afrique du Sud, Thaïlande, Indonésie), s’affirme aujourd’hui comme une institution phare de l’enseignement supérieur appliqué aux Pays-Bas, combinant une solide implantation régionale avec une ouverture internationale marquée. La hogeschool se définit comme une « broedplaats » – un incubateur d’innovation éducative et sociétale – et poursuit sa mission de former des professionnelles et professionnels compétents tout en contribuant activement au progrès social et économique, tant au niveau régional qu’au-delà.

Sur le plan quantitatif, NHL Stenden compte plus de 22’000 étudiantes et étudiants, dont près de 4’000 venus de l’international. En 2024, elle a accueilli plus de 6’700 nouvelles inscriptions, confirmant son attractivité croissante. L’institution s’appuie sur un corps professoral et scientifique de plus de 2’500 collaboratrices et collaborateurs, dont une proportion importante de maîtres et un nombre croissant de titulaires de doctorats. Avec un budget avoisinant les 300 millions d’euros, NHL Stenden bénéficie d’une situation financière solide, garantissant la stabilité et la continuité de ses activités.

L’innovation pédagogique constitue le cœur de son identité. Le modèle Design Based Education (DBE) occupe une place centrale, favorisant l’apprentissage par projets, la collaboration multidisciplinaire et le développement de compétences transversales. Ce modèle pédagogique, largement reconnu et évalué positivement, contribue à rapprocher la formation des besoins réels du marché du travail et à renforcer l’employabilité des diplômées et diplômés.

La recherche appliquée est également en pleine expansion au sein de NHL Stenden. Les lectorats et projets de recherche sont structurés autour de thématiques prioritaires telles que l’intelligence artificielle, les plastiques circulaires, la santé et le bien-être, la citoyenneté numérique ou encore la transition énergétique. Ces axes s’inscrivent dans des initiatives collectives et régionales ambitieuses, comme la Greenwise Campus ou le Maritime AI InnovationLab, témoignant de la volonté de la hogeschool de jouer un rôle moteur dans la transformation socio-économique du Nord des Pays-Bas.

Le bien-être étudiant occupe une place croissante dans les préoccupations de l’institution. Des dispositifs spécifiques, comme les ateliers Studiesucces en studentenwelzijn ou la plateforme @ease Leeuwarden, ont été mis en place pour accompagner les étudiantes et étudiants dans leur parcours. Le concept de student empowerment et l’entraide entre pairs sont encouragés afin de développer la résilience et l’autonomie, en cohérence avec la vision éducative de l’établissement.

Sur le plan international, NHL Stenden confirme son attractivité avec une communauté étudiante diversifiée et des dispositifs originaux comme le Grand Tour minor, qui offre la possibilité de suivre des modules académiques à l’étranger. L’institution est également partie prenante du réseau RUN-EU (Regional University Network – European University), qui favorise la mobilité, la coopération interinstitutionnelle et l’innovation pédagogique à l’échelle européenne.

Enfin, NHL Stenden entretient des partenariats structurants avec son environnement régional. Elle participe activement à des initiatives telles que la Noordelijke Educatieve Alliantie (NEA), l’Onderwijsakkoord Fryslân ou la Universiteit van het Noorden, qui réunissent universités, hogescholen, établissements du secondaire professionnel (mbo) et partenaires publics et privés. Ces collaborations permettent de renforcer la synergie entre enseignement, recherche et besoins socio-économiques locaux.

Stratégie de développement de NHL Stenden

Dans un environnement marqué par des transitions rapides et profondes, NHL Stenden définit pour la période 2025-2030[10] une stratégie qui vise à consolider son rôle d’université de sciences appliquées tournée vers la prospérité partagée et le développement durable. L’institution entend répondre aux défis posés par l’évolution démographique, la digitalisation, les transitions écologiques et la nécessité d’une société plus inclusive, tout en affirmant son profil national et international.

L’approche éducative repose toujours sur le modèle du Design-Based Education (DBE), reconnu et déjà largement développé. Celui-ci sera enrichi par une intégration plus marquée de thématiques transversales telles que la durabilité, l’inclusion et le leadership personnel. L’objectif est d’accompagner les étudiantes et étudiants dans la construction d’une identité professionnelle solide, ouverte et adaptable, capable de s’inscrire dans un monde du travail en mutation permanente. Dans cette optique, l’accent est mis sur l’acquisition de compétences qui permettent de conjuguer employabilité et responsabilité citoyenne.

La recherche appliquée constitue une dimension centrale du développement de NHL Stenden. L’université entend renforcer son impact à travers son programme « Working together for shared prosperity », qui articule ses priorités autour de quatre grands axes : l’adéquation avec les besoins du marché du travail, l’appui à l’innovation et à la digitalisation des entreprises, le soutien à une société inclusive et résiliente, et l’accompagnement des transitions énergétiques et circulaires. Ces axes stratégiques se traduisent par la mise en place de partenariats étroits avec le tissu socio-économique régional et européen, et par une mobilisation renforcée des équipes de recherche, des étudiantes et étudiants dans des projets concrets à forte valeur ajoutée pour la société.

Parallèlement, NHL Stenden poursuit une stratégie combinant internationalisation et ancrage régional. La participation active au réseau RUN-EU et le déploiement du programme Grand Tour illustrent cette dynamique. L’ouverture internationale contribue à enrichir les compétences interculturelles, à stimuler l’innovation et à renforcer l’attractivité de la région, notamment dans un contexte de pénurie de talents jeunes. L’université développe une approche « glocale » qui conjugue le rayonnement mondial avec un rôle moteur au service du nord des Pays-Bas.

L’innovation numérique et l’apprentissage tout au long de la vie constituent également des priorités. L’institution entend investir dans des outils et méthodes pédagogiques fondés sur la digitalisation et l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle, tout en développant une offre de formation modulaire et flexible. Les micro-certifications, bachelors et masters adaptés aux besoins de reconversion et de perfectionnement viendront enrichir le portefeuille de formations. La création d’un Centre for Teaching & Learning contribuera à soutenir cette transformation et à garantir une pédagogie de qualité adaptée aux attentes des nouvelles générations d’apprenantes et apprenants.

Enfin, la mise en œuvre de cette stratégie repose sur des principes clairs et transversaux : la recherche constante de qualité, la promotion de la diversité et de l’inclusion, l’attention au bien-être des communautés étudiantes et professionnelles, la valorisation de l’ancrage territorial de chaque campus et l’engagement en faveur de la durabilité. Ces principes nourrissent une culture organisationnelle ouverte, innovante et responsable, comme en témoigne par exemple l’initiative Green Wave. À travers ces développements, NHL Stenden affirme sa volonté d’être un acteur incontournable des transitions à venir, tout en plaçant la société et l’humain au cœur de sa mission.

Entretiens

Présentation du système d’éducation des Pays-Bas

L’entretien a porté sur le fonctionnement général du système éducatif néerlandais, en complément des éléments déjà développés dans un chapitre précédent du rapport. Les échanges ont rappelé l’existence d’un double système distinguant d’une part les universités (WO) et d’autre part les hautes écoles spécialisées ou universités de sciences appliquées (Hogescholen, HBO). On compte aujourd’hui 36 universités, 13 hautes écoles spécialisées et quelques établissements privés, notamment dans le domaine artistique comme les conservatoires.

La structuration du secondaire reste déterminante pour l’accès à l’enseignement supérieur : environ 40 % des élèves suivent le parcours VMBO, tandis que les autres se répartissent entre HAVO et VWO, ce dernier représentant la filière la plus académique. En 2022, environ 39’000 étudiantes et étudiants sont entrés dans le supérieur avec un diplôme VWO. Sur cette base, le passage vers les études universitaires (WO) et vers les hautes écoles spécialisées (HBO) s’articule de manière différenciée : les bachelors universitaires durent trois ans, tandis que les bachelors HES s’étendent généralement sur quatre ans, à l’exception de certaines filières accélérées accessibles aux titulaires d’un VWO. Il a été souligné qu’environ 10 % des titulaires de VWO choisissent une formation en HES.

L’exemple de NHL Stenden illustre cette structuration. Issue de la fusion de deux institutions en 2018, elle figure parmi les grandes hautes écoles des Pays-Bas, avec 22’736 étudiantes et étudiants, 2’570 collaborateurs et collaboratrices, répartis sur sept campus (dont Leeuwarden, Assen et Amsterdam). En 2024, 4’177 diplômes ont été décernés, dont 3’989 bachelors, 501 associate degrees et 278 masters. La répartition du corps étudiant montre une tendance à la baisse des inscriptions en bachelor, contre une augmentation des associate degrees, reflet de la volonté d’une partie des jeunes de rejoindre plus rapidement le marché du travail.

Les associate degrees, d’une durée de deux ans occupent une place croissante. Ils sont conçus comme un tremplin professionnel avec un niveau comparable au cadre européen EQF 5. Un exemple cité est le programme en Kindergarten education au niveau associate degree, alors que la formation au niveau bachelor correspond à l’enseignement primaire.

La pédagogie en alternance est un autre élément fort du modèle HES : environ 50 % des crédits ECTS peuvent être obtenus directement en entreprise dans le cadre de contrats tripartites liant l’étudiant·e, l’entreprise et l’institution. Ces programmes, initiés dès les années 1990, sont en progression, même si leur volume reste inférieur aux formations traditionnelles.

La dimension internationale a également été abordée. NHL Stenden dispose de cinq implantations internationales (par exemple à Bali et en Afrique), participe à huit alliances internationales RUN-EU et collabore avec 168 partenaires académiques.

Enfin, la recherche appliquée constitue une spécificité des HES néerlandaises. NHL Stenden compte 39 professorships, 45 professeurs et professeurs associés, ainsi qu’une trentaine de doctorants. Des réflexions sont en cours autour de la création de programmes de doctorat professionnel, déjà expérimentés dans certaines branches comme la marine, mais encore en phase pilote et non-inscrits dans la législation nationale.

L’entretien s’est conclu par un rappel du contexte national, marqué par des discussions politiques sur le financement différencié entre universités et hautes écoles spécialisées, ces dernières plaidant pour une reconnaissance accrue de leurs activités de recherche appliquée et de leur rôle dans le développement socio-économique régional.

Design Based Education (DBE)

Compte-rendu de la discussion

La discussion a mis en évidence le rôle central joué par la chaire de recherche consacrée au DBE, qui compte environ quarante collaboratrices et collaborateurs, dont dix doctorantes et doctorants. L’équipe a pour mission de développer le concept théorique, d’en garantir la qualité et d’en assurer le suivi dans l’ensemble des programmes. Le groupe a récemment remporté un projet d’innovation pédagogique soutenu par le gouvernement néerlandais, doté d’un financement de 500’000 euros.

Le DBE est présenté comme le modèle pédagogique commun à tous les programmes depuis la fusion de 2018. Il s’agit d’un cadre souple et différencié, adapté aux spécificités de chaque discipline. Les étudiantes et étudiants travaillent sur des modules de 15 à 30 ECTS, souvent organisés autour de projets en lien avec des partenaires externes.

La comparaison avec le Problem-Based Learning (PBL) d’Aalborg a été évoquée, le DBE s’inscrivant dans cette même famille tout en y ajoutant une orientation spécifique vers le design thinking et la co-création. De plus le modèle se distingue d’une simple pédagogie par projet, car il intègre une dimension de recherche et d’innovation où la solution n’est pas connue à l’avance. L’ampleur de la mise en œuvre varie selon les académies : certains programmes appliquent surtout la logique de design, d’autres vont plus loin dans le design thinking. L’un des défis identifiés réside dans la standardisation : alors que les autorités et accréditations valorisent l’efficacité et les procédures, le DBE favorise des parcours ouverts, plus difficiles à encadrer.

Le corps professoral adopte ainsi un double rôle : expertes et experts de contenu et accompagnateurs·trices (coach·es) dans les ateliers/studios. L’approche confronte le corps estudiantin à des situations interdisciplinaires, complexes et inédites, ce qui nécessite de nouvelles pratiques d’évaluation. Celles-ci ne peuvent être totalement objectives et reposent sur des argumentations partagées, acceptées par les le corps professoral, ainsi que les étudiantes et étudiants. Les compétences et learning outcomes sont au cœur du dispositif, mais leur interprétation varie selon les disciplines, en particulier dans les sciences « fermées » comme la chimie ou l’ingénierie.

Enfin, la valeur du concept a été soulignée : reconnue par le corps professoral, le corps estudiantin et les entreprises, elle contribue aussi bien à l’image externe qu’au sentiment d’appartenance interne. L’accent est mis sur la créativité inductive, sur l’intégration de partenaires externes, et sur l’influence du DBE dans la transformation des pratiques pédagogiques.

Principe du Design Based Education

Le concept DBE[11] et [12] occupe une place centrale dans l’identité et la stratégie de NHL Stenden University of Applied Sciences. Héritier et évolution des approches antérieures du Problem Based Learning et du Competency Based Education, DBE vise à proposer une méthode éducative innovante et tournée vers l’avenir, qui articule l’apprentissage autour de la co-création, de la contextualisation et d’un lien constant avec des problématiques réelles et complexes issues du terrain professionnel. Il s’agit d’un modèle pédagogique conçu pour préparer les étudiantes et étudiants à évoluer dans un monde marqué par l’incertitude, la complexité et les mutations rapides, en renforçant leur autonomie, leur capacité réflexive et leur inventivité.

L’originalité du DBE réside dans sa dimension trilogique, qui associe de manière structurée trois pôles : les étudiantes et étudiants, le corps professoral et le monde professionnel. Loin de se limiter à un apprentissage en classe, il place les projets authentiques et interdisciplinaires au cœur des parcours d’études, dans ce que l’institution appelle des workshops. Ces espaces de travail sont à la fois physiques et conceptuels : ils permettent à des équipes multidisciplinaires de collaborer avec des partenaires externes pour élaborer des solutions concrètes, souvent sous la forme de prototypes ou de recommandations professionnelles. Cette dynamique, fondée sur les principes du design thinking, s’organise en cycles itératifs où l’on explore, définit, imagine, expérimente, teste et améliore en permanence les réponses apportées.

Le professorat Design Based Education joue un rôle essentiel dans l’ancrage théorique et pratique de cette philosophie éducative. Il a pour mission de renforcer les bases scientifiques de DBE, de contribuer à son développement continu et de garantir son intégration durable au sein de l’université. Ses recherches couvrent trois axes principaux : l’expérience des étudiantes et étudiants, les conditions offertes par les environnements d’apprentissage et l’intégration globale du développement pédagogique. Des enquêtes telles que HowULearn, menées en collaboration avec l’Université d’Helsinki, permettent de recueillir systématiquement les perceptions étudiantes sur leur environnement d’apprentissage, leurs méthodes de travail et leur bien-être. Les résultats obtenus alimentent l’adaptation des programmes et contribuent à l’amélioration continue de la qualité éducative.

Parmi les cinq dimensions structurantes du DBE, la première est la coopération multidisciplinaire. Elle vise à former des « T-shaped professionals », capables de combiner une expertise approfondie dans leur domaine avec une ouverture transversale et la capacité à travailler avec des spécialistes d’autres disciplines. La deuxième dimension est l’internationalisation et l’interculturalité, qui prépare les diplômées et diplômés à devenir des citoyennes et citoyens du monde, sensibles aux enjeux globaux et aptes à travailler dans des environnements diversifiés. La troisième dimension repose sur le design thinking, qui fournit un cadre méthodologique souple pour aborder les problèmes complexes. La quatrième est le leadership personnel, qui met l’accent sur l’auto-apprentissage, la réflexivité et la capacité à diriger sa propre trajectoire professionnelle et éthique. Enfin, la cinquième dimension est l’éducation durable, qui constitue le cœur du modèle et traduit l’engagement de NHL Stenden en faveur d’une société inclusive, équitable et tournée vers l’avenir.

La mise en œuvre de DBE implique des transformations profondes des rôles pédagogiques. Les enseignantes et enseignants ne se limitent plus à transmettre des savoirs, mais deviennent des coachs accompagnant les étudiantes et étudiants dans leur apprentissage, encourageant l’expérimentation, le feedback et la réflexivité. Le système d’évaluation s’aligne sur cette philosophie : davantage d’assessments for learning (évaluations formatives et fréquentes, centrées sur le feedback) remplacent les examens sommatifs classiques. Les étudiantes et étudiants sont incités à solliciter activement du feedback auprès de multiples sources, ce qui favorise leur responsabilisation et leur développement à long terme.

Les environnements d’apprentissage évoluent eux aussi pour refléter cette vision. Les programmes adoptent une structure modulaire flexible, favorisant des parcours personnalisés et la reconnaissance d’apprentissages antérieurs ou non formels. Les ateliers collaboratifs (workshops) deviennent des espaces phares, parfois implantés en dehors du campus pour renforcer le lien avec les partenaires externes. Ces environnements favorisent l’inclusion, l’innovation et la cocréation, tout en répondant aux attentes d’une génération d’étudiantes et d’étudiants en quête d’expériences concrètes et porteuses de sens.

L’ancrage scientifique du DBE est renforcé par les travaux du professorat, mais aussi par des collaborations structurées avec des institutions comme l’Université d’Helsinki ou l’Open University. Ces partenariats permettent de valider empiriquement l’efficacité de l’approche, d’élargir la recherche comparative et d’impliquer des étudiantes et étudiants de master dans des projets appliqués. Ils traduisent également l’ambition de NHL Stenden de jouer un rôle actif dans les débats académiques internationaux sur l’innovation pédagogique.

Enfin, le DBE ne se limite pas à une méthode éducative interne : il constitue un vecteur d’identité institutionnelle et un instrument stratégique pour positionner NHL Stenden parmi les meilleures hautes écoles professionnelles néerlandaises. En plaçant l’innovation, la durabilité et l’ouverture internationale au cœur de ses programmes, l’université vise à développer une communauté d’apprentissage dynamique et attractive pour ses étudiantes et étudiants, ses partenaires régionaux et internationaux, et la société dans son ensemble. L’ambition est claire : faire de DBE non seulement une approche pédagogique distinctive, mais aussi un catalyseur de progrès social et de vitalité régionale.

Design Based Education avec intégration des apprentissages à la place de travail

L’entretien a porté sur les différents formats de formation intégrant le DBE avec les dispositifs de work integrated learning, de programmes en alternance (dual), de formation à temps partiel et de stages. L’interlocuteur ont rappelé le caractère binaire du système néerlandais avec une distinction claire entre les hautes écoles professionnelles (HES) et les universités, qui représentent respectivement la voie professionnelle et la voie académique. La perméabilité entre les parcours est généralement bonne aux Pays-Bas, notamment avec des passerelles depuis l’enseignement professionnel (MBO-4) vers les HES, mais elle reste limitée pour accéder de filières professionnalisantes à un master universitaire.

Du point de vue des étudiantes et des étudiants, plusieurs modalités d’apprentissage existent. Les formations à plein temps privilégient un apprentissage sur le campus en studios, en groupe, avec une forte orientation pratique et des projets concrets. Les parcours à temps partiel impliquent environ huit heures de présence hebdomadaire à l’école, complétées par de l’auto-apprentissage. Les programmes duals combinent travail en entreprise et formation académique, avec une présence sur le campus d’un jour par semaine (ou une fois toutes les deux semaines), en lien avec un contrat tripartite entre l’étudiant·e, l’entreprise et l’école. Ces formules permettent de relier directement les apprentissages aux réalités du monde professionnel.

L’importance d’indicateurs est soulignée pour garantir la qualité des apprentissages en entreprise : authenticité des tâches confiées, encadrement et évaluation partagée entre l’école et l’entreprise, juste équilibre entre temps de travail et temps de formation, et un dispositif global d’assurance qualité. Dans ce contexte, l’enseignant joue davantage un rôle de coach accompagnant le développement des compétences, tandis que les responsables en entreprise doivent aussi apporter un feedback qui contribue à l’évaluation finale.

Les stages restent une composante structurante des bachelors, généralement sur un semestre, parfois deux (par exemple en soins infirmiers). Cependant, certaines entreprises expriment des difficultés à consacrer suffisamment de temps à l’encadrement. Les parcours à temps partiel ou dual se développent ainsi dans certaines disciplines, comme le travail social ou l’économie, en réponse à ces contraintes.

Enfin, la discussion a porté sur la reconnaissance des acquis de l’expérience (VAE). Bien qu’elle existe officiellement, son utilisation demeure marginale car les étudiantes et étudiants doivent malgré tout valider de nombreux modules avec leurs prérequis, ce qui réduit fortement l’avantage en termes de gain de temps. L’image de l’apprentissage de la conduite illustre cette limite : posséder la théorie ne suffit pas, l’acquisition de compétences pratiques reste incontournable. L’entretien a conclu sur la philosophie de confiance accordée aux étudiantes et étudiants, appelée à guider les enseignantes et enseignants dans leur rôle : il s’agit moins d’imposer un chemin que de donner la possibilité de tracer sa propre voie, avec un accompagnement centré sur les résultats et les learning outcomes.

Entretien sur la flexibilité dans les parcours de formation

Cet entretien a permis d’approfondir la question de la flexibilité dans l’organisation des programmes de formation et ses implications pour les étudiantes et étudiants, mais également pour le corps professoral et les entreprises partenaires. Quatre niveaux de flexibilité ont été présentés, allant d’un programme totalement fixe (niveau 1), à un programme structuré mais avec certaines exceptions (niveau 2), puis à une offre où les étudiantes et étudiants construisent leur parcours à partir d’un « menu » (niveau 3), jusqu’à un modèle où l’étudiant·e décide librement de ce qu’il souhaite apprendre (niveau 4).

La progression pédagogique débute par une phase d’orientation, suivie de la signature d’un contrat d’apprentissage. Les étapes incluent ensuite une phase d’apprentissage, une phase de test et un volet logistique lié à l’éducation. Cette organisation suppose une adaptation continue de la part des enseignants et des enseignantes, qui voient leur rôle évoluer de celui d’expert vers celui de coach. Dans ce cadre, la perception de chaque programme peut varier selon le regard des professeurs, des étudiantes et étudiants, mais aussi des entreprises impliquées. L’image globale qui en ressort permet d’identifier les attentes respectives des différentes parties prenantes, lesquelles sont ensuite intégrées dans l’adaptation des programmes, notamment pour les cursus à temps partiel ou en alternance.

Un point important correspond aux exigences liées à l’accréditation et au contrôle de la qualité. Chaque programme doit respecter une série de critères, qu’il s’agisse de la durée ou d’indicateurs de résultats. Le système d’accréditation est supervisé au niveau national et flamand, avec une visite de révision tous les six ans. L’évolution actuelle vise à introduire une double logique : une accréditation institutionnelle et une accréditation plus légère, mais ciblée, des programmes. Ce cadre est enrichi par des démarches de bench learning aux niveaux national et international, et par des profils de programmes intégrés dans des cadres nationaux, avec une mise en avant des compétences et des learning outcomes.

Un sujet particulièrement d’actualité est celui des transferts entre associate degrees (niveau 5) et bachelors (niveau 6), qui suscite beaucoup d’intérêt aux Pays-Bas. Les entreprises, très impliquées dans la définition des besoins, expriment une forte demande pour des qualifications de niveau 5, tandis que les étudiantes et étudiants y voient une possibilité de commencer un parcours court avant de poursuivre, s’ils le souhaitent, vers un bachelor. Cette dynamique reflète une volonté d’accroître la perméabilité entre les diplômes, d’élargir les opportunités de formation continue et de répondre aux besoins du marché du travail.

Les chiffres illustrent cette évolution : entre 2010 et 2025, le nombre d’étudiants de bachelor est passé de 98’000 à 88’000, alors que les effectifs des programmes d’associate degree sont passés de 2’000 à 13’000. Cette augmentation témoigne de l’intérêt pour des formations plus courtes, souvent orientées vers la pratique, mais aussi d’une réponse à la demande de flexibilité de la part des étudiants comme des employeurs. Dans certains cas, ces parcours prennent la forme de programmes 2+2 permettant un passage progressif du niveau 5 au niveau 6, notamment en ingénierie où une année complémentaire est prévue pour rejoindre un bachelor.

La discussion a enfin souligné l’importance de développer la formation des adultes pour compenser la baisse démographique et de synchroniser les différentes modalités (plein temps, temps partiel, dual) afin de permettre une organisation commune et efficiente. L’ancrage historique du niveau 5 aux Pays-Bas, comparable à celui observé aux États-Unis, confirme que cette structure est le fruit d’une demande issue du marché du travail plutôt que d’une impulsion universitaire. Elle illustre la capacité du système à intégrer la flexibilité comme un levier central pour l’avenir de l’enseignement supérieur professionnel.

Visite des infrastructures

La visite effectuée avec Hans den Dulk et Nina Spithost a permis de découvrir un campus où les salles de classe traditionnelles tendent à disparaître, sauf peut-être en ingénierie. Le campus laisse ainsi de la place à des espaces de travail collaboratif et à des zones « cosy ». Cette organisation spatiale incite à concevoir l’enseignement autrement et constitue l’une des bases du DBE.

Dans le domaine du management et de l’hospitality, l’école dispose d’un hôtel, d’un restaurant et deux cantines, tous intégralement gérés par les étudiantes et étudiants. Ces derniers y assument l’ensemble des responsabilités de gestion, ce qui illustre parfaitement l’intégration de la pratique professionnelle au cœur du parcours académique. À titre d’exemple, la cantine est animée par les étudiantes et étudiants de première année qui préparent les repas sous la supervision de leurs pairs de deuxième année. Ce travail, bien que non rémunéré, est pleinement intégré au programme d’études et reconnu comme une composante essentielle de la formation.

La visite souligne ainsi une institution où l’organisation des espaces et la pédagogie convergent vers un même objectif : repenser l’enseignement supérieur autour du modèle du DBE, en mettant en avant la pratique, la responsabilité et l’apprentissage collaboratif.

Efficience financière avec les programmes

Le contexte néerlandais impose aux hautes écoles de fonctionner avec des ressources limitées, dans un environnement marqué par une population vieillissante, une diminution du nombre de jeunes se dirigeant vers les études supérieures et une pression croissante des entreprises, capables de former elles-mêmes une partie de leur main-d’œuvre. À cela s’ajoutent les incertitudes liées à la conjoncture internationale, qui accentuent encore la nécessité d’une gestion rigoureuse des moyens.

La faisabilité de certains programmes est aujourd’hui questionnée : en dessous d’un seuil de quinze étudiantes et étudiants, plusieurs formations ont déjà été arrêtées. La règle appliquée prévoit un ratio d’un membre du personnel pour quinze étudiantes et étudiants. Avec environ 22’000 étudiantes et étudiants encadrés par 2’000 collaboratrices et collaborateurs, près de 60 % de l’effectif total relève des services de soutien (logistique, informatique, ressources humaines, marketing, gestion de l’éducation). Sur le plan financier, la dotation publique se monte à environ 8’000 euros par étudiante ou étudiant, à quoi s’ajoutent 2’000 euros de frais d’études.

Historiquement, l’offre se concentrait sur des parcours à plein temps. Progressivement, des équipes spécifiques ont été constituées pour le temps partiel et pour les programmes duals, avec une exigence minimale de quinze participantes et participants. Aujourd’hui, la tendance est à l’intégration des équipes pédagogiques sur l’ensemble des trois formats (plein temps, partiel et dual), couvrant un total de 43 programmes. Le développement des formations à temps partiel et dual connaît une croissance de l’ordre de 40 %, signe d’une évolution des besoins et des pratiques.

Dans cette perspective, le principe de l’« education for life » est mis en avant, afin d’inclure l’apprentissage tout au long de la vie et de répondre à un public élargi. Les formations s’appuient sur des learning outcomes communs aux trois types de parcours, permettant de combiner certaines parties et d’assurer une continuité. Dans les filières d’ingénierie, où le nombre d’étudiantes et étudiants reste limité, des modalités spécifiques sont mises en place, notamment avec un regroupement le vendredi qui rassemble à la fois des étudiantes et étudiants à plein temps et des participantes et participants de programmes duals, ces derniers étant en général plus âgés.

L’organisation prévoit également, pour certains cursus, un programme structuré le vendredi : un double format combinant un temps consacré aux questions des étudiantes et étudiants et une partie en ligne. Cette modalité repose sur une pédagogie active (travail autonome, exercices pratiques, évaluations formatives et sommatives en ligne). Toutefois, cette forme n’est encore appliquée qu’à une partie des programmes.

La mise en œuvre de ces évolutions nécessite un processus de changement en profondeur, estimé entre cinq et dix ans. Celui-ci dépend largement de la qualification et de l’adaptabilité du corps professoral, appelé à encadrer des groupes de taille restreinte (autour de quinze étudiantes et étudiants), tout en s’inscrivant dans une logique d’efficience accrue.

Employabilité et apprentissage continu

L’entretien a mis en lumière la place croissante de l’employabilité et de l’apprentissage continu au sein des programmes. L’approche repose sur une pédagogie orientée projet (project based learning) intégrant différents profils d’étudiantes et d’étudiants : étudiant·e·s en parcours régulier, salarié·e·s en formation continue, personnes en reprise d’études et étudiantes ou étudiants inscrits via leur entreprise. Cette mixité permet d’enrichir les échanges et de rapprocher le monde académique des réalités professionnelles.

Un exemple concret est le module de Project Management, représentant 30 ECTS sur une durée de cinq mois, à raison d’une journée par semaine. Ce module, destiné aux étudiantes et étudiants de troisième année, combine travail individuel sur des cas concrets issus des entreprises et projets collectifs préparant aux évaluations. Les examens intègrent une supervision des learning outcomes, des travaux de groupe et des mécanismes de peer review, renforçant la dimension collaborative et réflexive de l’apprentissage.

Au niveau national, les programmes sociaux et de bachelor sont encadrés par des profils de référence révisés tous les six ans. Ces profils fixent 80 % des contenus, laissant 20 % de liberté aux établissements pour adapter leurs cursus. Dans les formations d’ingénierie (HBO), les profils sont construits en collaboration avec les milieux professionnels et doivent être mis en œuvre par toutes les hautes écoles concernées. Cette logique contribue à assurer une adéquation permanente entre la formation et les besoins du marché.

Les cursus de niveau 5 (associate degree, deux ans) et de niveau 6 (bachelor) apparaissent comme de véritables ascenseurs sociaux. Les premiers valorisent des compétences pratiques, comme celles de « practical team leader », tandis que les seconds développent des aptitudes plus transversales de management. La perméabilité entre travail et études est renforcée par les programmes duals, dans lesquels les entreprises peuvent accorder du temps pour la formation. Les contrats lient explicitement les activités professionnelles des étudiantes et étudiants aux learning outcomes académiques, garantissant une cohérence entre les deux sphères.

Le rôle des coachs est déterminant pour accompagner les étudiantes et étudiants, en particulier dans les parcours à temps partiel ou dual. Une attention particulière est portée à l’accompagnement individualisé, afin de limiter les taux d’abandon, évalués entre 10 et 15 % dans ces filières (contre environ 25 % en plein temps). Cette logique rejoint une réflexion plus large sur les parcours personnalisés : toutes les compétences ne nécessitent pas quatre années d’études, et certaines peuvent être acquises plus rapidement à travers des microcredentials ou des modules ciblés.

Les dispositifs prévoient également des entretiens réguliers avec les étudiantes et étudiants expérimentés, permettant une évaluation fine des compétences acquises et de leur mise en pratique. Les learning outcomes, associés à des indicateurs précis, facilitent le travail d’évaluation des enseignants et donnent aux apprenantes et apprenants une vision claire des attentes. Dans certains domaines comme l’hospitality, des accords collectifs définissent de manière précise les rôles et responsabilités des étudiantes et étudiants, intégrant leur travail dans une logique contractuelle et professionnalisante.

Au-delà de l’acquisition de savoirs théoriques, l’objectif affiché est de former les étudiantes et étudiants à résoudre des problèmes concrets. Les programmes mettent ainsi l’accent sur les compétences réellement attendues par le marché du travail, qu’il s’agisse de la maîtrise des connaissances de base ou du développement de capacités transversales telles que l’analyse, la créativité et la résolution de problèmes. Dans certains secteurs, comme les technologies de l’information et de la communication, l’approche est étroitement liée à l’identification des compétences nécessaires à partir des offres d’emploi existantes. Cette démarche permet d’adapter les curricula et d’offrir des cours spécifiques répondant aux besoins immédiats du marché, dans une logique de Life Long Learning.

Parcours de formation et apprentissage tout au long de la vie

La discussion a porté sur l’organisation des parcours de formation dans le contexte néerlandais, en lien avec trois ministères principaux : les affaires sociales, l’éducation et l’économie. L’orientation générale vise à renforcer l’apprentissage tout au long de la vie (Life Long Learning, LLL), dans un contexte de population vieillissante et de besoin accru de main-d’œuvre qualifiée.

Un des outils privilégiés repose sur l’analyse des compétences en ligne. Ce dispositif permet d’évaluer les acquis des individus et d’identifier les formations complémentaires nécessaires. Le gouvernement pousse activement à la mise en œuvre de ce modèle basé sur les compétences (skills based), qui vise à construire des parcours personnalisés. Certaines professions sont d’ores et déjà soumises à des obligations légales de formation continue, comme le secteur de la santé, les professions médicales ou paramédicales, et certaines branches réglementées.

La question des microcrédits a occupé une place centrale dans la discussion. Aux Pays-Bas, ils concernent aujourd’hui surtout les étudiantes et étudiants payants, mais des réflexions sont en cours pour les étendre aux étudiants réguliers. Dans d’autres pays, leur intégration est déjà une réalité, souvent accompagnée de systèmes de reconnaissance par badges, permettant de certifier les niveaux atteints (par exemple 3, 4 ou 5 étoiles). Ces microcrédits sont perçus comme un levier pour limiter le décrochage, en particulier lors de la deuxième année d’études, en offrant une reconnaissance intermédiaire aux étudiantes et étudiants.

Les alumni jouent également un rôle clé dans cette dynamique. Leur mobilisation permet de les faire revenir dans l’institution pour compléter leur parcours et rester en lien avec l’université, contribuant à une véritable communauté d’apprentissage continu.

Les entreprises sont de plus en plus impliquées dans la définition des besoins en compétences. Préparer un cours pour des étudiantes et étudiants envoyés par une compagnie suppose d’adapter les contenus aux attentes spécifiques du secteur. Ce lien direct avec le marché du travail renforce la pertinence des programmes et assure une meilleure employabilité.

Enfin, la discussion a soulevé des enjeux plus larges. Comment mettre en place une stratégie durable de LLL dans une société où la population vieillit et où les individus sont appelés à travailler plus longtemps ? Qu’advient-il des compétences acquises au moment de la retraite, alors que les entreprises ne se posent généralement pas cette question ? Ces interrogations renvoient à la nécessité de concevoir des politiques publiques qui associent les établissements, le gouvernement et les employeurs afin de garantir l’adaptation des compétences tout au long de la vie active.

Analyse

L’analyse des entretiens et des documents montre que NHL Stenden se distingue par une forte articulation avec les milieux professionnels. Cette collaboration s’exprime à travers la formation duale, les contrats tripartites associant l’étudiante ou l’étudiant, l’entreprise et l’institution, ainsi que par l’intégration systématique de projets concrets dans les programmes. La recherche appliquée, menée notamment par le biais des professorships, contribue à renforcer ce lien en travaillant sur des problématiques directement issues du terrain et en intégrant les résultats dans la pédagogie.

En matière d’attractivité des formations en ingénierie, le rapport n’apporte pas d’éléments spécifiques. Les discussions ont principalement porté sur les aspects pédagogiques, organisationnels et institutionnels, sans aborder la question de la compétitivité des filières techniques face aux autres domaines d’études ou face au marché du travail. Il conviendrait, pour compléter l’analyse, d’approfondir cette dimension dans un échange ultérieur.

S’agissant des formats de formation, NHL Stenden propose une offre diversifiée allant des associate degrees de deux ans aux masters professionnalisants, en passant par des bachelors de quatre ans. Cette structuration en cycles courts et longs permet une bonne perméabilité et répond aux besoins différenciés des étudiantes et étudiants, ainsi qu’à ceux des entreprises. Les parcours courts favorisent une insertion professionnelle rapide, tandis que les cycles longs offrent des spécialisations et un approfondissement académique.

La flexibilité constitue un pilier central de l’approche éducative de NHL Stenden. Elle se traduit par la mise en place de programmes à temps plein, à temps partiel ou en mode dual, par l’introduction de microcrédits et de modules capitalisables, ainsi que par des dispositifs favorisant l’apprentissage tout au long de la vie. Cette flexibilité vise à s’adapter aux besoins des étudiantes et étudiants, aux attentes des entreprises et aux évolutions du marché du travail, tout en maintenant des standards de qualité élevés par l’accréditation nationale et internationale.

Enfin, l’articulation entre enseignement et recherche s’opère principalement à travers la recherche appliquée et l’innovation pédagogique. Le modèle du Design Based Education (DBE) incarne cette synergie en plaçant l’étudiante et l’étudiant dans des situations où l’acquisition des connaissances se fait par la résolution de problèmes complexes, souvent en partenariat avec des acteurs externes. Les professorships, en mobilisant doctorantes, doctorants et enseignants-chercheurs, contribuent également à nourrir cette dynamique en ancrant la pédagogie dans une démarche réflexive et scientifique.

ObjectifObservations
1. Développement des programmes en collaboration avec les milieux professionnels 
1.1 Analyser les stratégies adoptées pour intégrer des partenariats avec les entreprisesNHL Stenden a mis en place des contrats tripartites et des dispositifs de formation duale permettant une intégration directe des entreprises dans la formation.
1.2 Identifier les pratiques innovantes de co-construction répondant aux besoins du marchéLe modèle du Design Based Education (DBE) illustre une co-construction innovante où les besoins des organisations deviennent le moteur de projets pédagogiques et de recherche appliquée.
2. Attractivité des formations en ingénierie 
2.1 Étudier les initiatives visant à renforcer l’attractivité des filières, notamment en lien avec l’employabilitéLes discussions n’ont pas apporté d’éléments spécifiques sur l’attractivité des filières, mais l’accent mis sur l’employabilité et la flexibilité constitue un levier potentiel important.
2.2 Analyser les dispositifs mis en place pour attirer davantage d’étudiantes et d’étudiantsLes parcours modulaires, les possibilités de part-time et dual, ainsi que l’ouverture internationale contribuent à élargir la base de recrutement des étudiantes et étudiants.
3. Formation courte versus cycles longs 
3.1 Comparer les programmes professionnalisants courts avec les filières classiques (5 ans)Les associate degrees de deux ans offrent une alternative professionnalisante aux cycles longs, favorisant une insertion rapide sur le marché du travail.
3.2 Identifier les forces et limites des deux systèmes (flexibilité, employabilité, transfert de compétences)Si les programmes courts sont adaptés à l’employabilité immédiate, les parcours longs renforcent la spécialisation et la mobilité académique, chacun présentant des avantages complémentaires.
4. Flexibilité des formations 
4.1 Explorer les dispositifs favorisant la modularité : VAE, micro-certifications, parcours hybridesLa mise en place de micro-certifications, de parcours hybrides et la reconnaissance progressive des acquis illustrent une volonté de modularité accrue dans l’offre éducative.
4.2 Étudier l’effet de ces dispositifs sur la réussite académique et les parcours individualisésCes dispositifs permettent d’individualiser les parcours, de répondre aux contraintes des étudiantes et étudiants et d’améliorer la persévérance académique, en particulier pour les profils atypiques.
5. Articulation entre enseignement et recherche 
5.1 Analyser des exemples de collaboration réussie entre enseignement et rechercheLes professorships constituent des lieux privilégiés de collaboration entre enseignement et recherche appliquée, ancrés dans les besoins des entreprises et des territoires.
5.2 Identifier les pratiques favorisant la participation des étudiantes et des étudiants à la recherche dès le bachelorL’approche DBE intègre les étudiantes et étudiants dès le bachelor dans des projets à forte composante de recherche et de résolution de problèmes réels.

Conclusion

La visite à NHL Stenden University of Applied Sciences met en évidence une institution profondément ancrée dans son environnement professionnel et régional. Les relations étroites avec les milieux socio-économiques constituent un pilier de son identité, qu’il s’agisse des contrats tripartites, des formations duales ou de l’intégration de projets concrets directement issus du terrain. Cette approche garantit non seulement la pertinence des programmes, mais aussi une employabilité renforcée pour les étudiantes et les étudiants, qui bénéficient d’une immersion précoce et continue dans des situations authentiques de travail.

L’implication du corps estudiantin dans des projets co-construits avec des entreprises et des organisations partenaires illustre une pédagogie où l’apprentissage et la pratique s’entrelacent. Le Design Based Education, en particulier, favorise une posture réflexive et créative, en préparant les futures diplômées et diplômés à évoluer dans un monde professionnel complexe et en constante mutation.

Par ailleurs, la flexibilité apparaît comme un véritable ADN de NHL Stenden. Qu’il s’agisse des parcours à temps plein, partiel ou dual, de l’offre croissante d’associate degrees, des micro-certifications ou encore des dispositifs favorisant l’apprentissage tout au long de la vie, l’université déploie des formats multiples et modulaires adaptés aux besoins diversifiés des étudiantes, des étudiants et des employeurs. Cette souplesse renforce l’accessibilité, la personnalisation et la réactivité des formations, tout en contribuant à la durabilité du modèle éducatif.

En définitive, NHL Stenden illustre un exemple abouti d’intégration entre enseignement, recherche appliquée et monde professionnel, où l’innovation pédagogique se conjugue à un fort engagement régional et international. Cette combinaison de proximité avec le terrain et de flexibilité structurelle constitue un atout majeur pour anticiper les défis futurs de l’enseignement supérieur et du marché du travail.

Remerciements

Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à Hans den Dulk, Programme Manager, ainsi qu’à ses collègues de NHL Stenden University of Applied Sciences pour l’accueil chaleureux, l’organisation exemplaire de la visite et le temps généreusement consacré aux différents échanges. Mes remerciements vont également à Nina Spithost, Programme Manager Associate Degrees, à Pascalle Laponder MSc, Regievoerder LLO / Consultant Onderwijs, Onderzoek & Internationalisering, à Abelius Reitsma, Teamleider Educational Innovation, Department Education, Research & Internationalisation, ainsi qu’à Migchiel van Diggelen, Lector Design Based Education.

Les entretiens menés, tout comme les documents complémentaires transmis, ont permis d’enrichir considérablement cette analyse et d’offrir une compréhension approfondie du fonctionnement et des orientations stratégiques de l’institution. Leur disponibilité et leur ouverture ont largement contribué à la réussite de cette mission et à la qualité des enseignements qui en ont été tirés.

À toutes et à tous, un grand merci pour votre disponibilité, votre engagement et votre ouverture, qui témoignent de la vitalité de votre institution et de son ancrage dans les défis contemporains. Ces échanges nourriront assurément les réflexions du Conseil de domaine Ingénierie et Architecture de la HES⁠-⁠SO.