Résumé

La visite de l’Université Publique de Navarre (UPNA), dont le campus principal est situé à Pampelune, au nord de l’Espagne. Elle visait à observer les dynamiques institutionnelles en matière de formation en ingénierie, d’articulation entre enseignement et recherche, d’innovation pédagogique et de coopération avec les milieux professionnels. Le programme, sur deux journées a mêlé rencontres institutionnelles, échanges approfondis avec les facultés et visites de terrain.

L’UPNA apparaît comme une université publique à taille humaine, solidement ancrée dans son territoire, et dotée d’une forte cohérence entre ses ambitions académiques et son engagement sociétal. Le lien avec les besoins économiques et industriels de la région de Navarre est au cœur du développement stratégique de l’institution. Chaque programme de formation est pensé en interaction avec les entreprises, les clusters sectoriels et les politiques publiques, dans une logique de réponse directe aux besoins du marché du travail. Ce positionnement assure à l’université des taux d’employabilité élevés, notamment dans les filières d’ingénierie.

Le campus principal, situé dans un parc au cœur de Pampelune, favorise une proximité réelle entre les étudiantes et étudiants, les équipes enseignantes et les services de soutien. Cette configuration spatiale facilite les interactions informelles et les synergies entre les disciplines. L’UPNA met un accent particulier sur l’expérience étudiante, à travers notamment le dispositif innovant « UPNApass », qui valorise les engagements culturels, sportifs, linguistiques et associatifs sous forme de crédits ECTS. Ce dispositif, unique en Espagne, participe à la construction de parcours individualisés, tout en renforçant les compétences transversales.

Du point de vue académique, l’UPNA propose une offre complète de formations en ingénierie, en sciences, en agriculture et en biosciences, articulée autour des trois degrés : bachelor (240 ECTS), master (1 à 2 ans) et doctorat. La structure modulaire des cursus, les doubles diplômes et les spécialisations dès la troisième année apportent de la flexibilité et favorisent l’employabilité. Les travaux de bachelor, souvent réalisés en lien avec les entreprises, s’étendent sur 15 semaines pour 12 à 18 ECTS, ce qui permet une immersion professionnelle significative dès le premier cycle.

La recherche, principalement appliquée, s’organise autour de six instituts pluridisciplinaires (ISC, INAMAT, ISFOOD, I-COMMUNITAS, INARBE, IMAB), qui couvrent des thématiques allant des smart cities à la durabilité alimentaire, en passant par la data science, la biotechnologie et les politiques publiques. Ces instituts favorisent les collaborations avec les milieux économiques, l’innovation technologique et le transfert de savoirs. Plusieurs spin-offs actives témoignent du dynamisme entrepreneurial de l’université, notamment dans les domaines des capteurs biomédicaux, des drones ou de la cybersécurité.

L’internationalisation est portée par une stratégie ambitieuse, qui associe participation à des alliances européennes (UNITA, Campus Iberus), développement de masters en anglais, mobilité sortante des étudiantes et étudiants, et coopération solidaire en Amérique latine. Des partenariats solides existent avec la France, tant au niveau des mobilités que des doubles diplômes. En conclusion, l’UPNA s’affirme comme une institution dynamique, ouverte, et profondément ancrée dans les enjeux de son territoire. Elle combine excellence académique, proximité humaine et orientation vers les besoins de la société. Ce modèle offre de nombreuses pistes d’inspiration pour le développement des formations en ingénierie à la HES⁠-⁠SO, notamment en matière de liens avec les entreprises, de modularité pédagogique, et de valorisation des engagements étudiants.

Contexte de l’université

L’Université Publique de Navarre (UPNA) est un établissement jeune, dynamique et ancré dans son territoire. Elle propose des formations dans tous les domaines de connaissance, allant de l’ingénierie aux sciences humaines, en passant par les sciences de la santé, les sciences sociales et juridiques. Elle se distingue par une approche pédagogique axée sur la qualité, l’innovation et le développement personnel, tout en assurant une formation transversale aux compétences numériques, citoyennes et durables. L’université est également reconnue pour son excellent taux d’employabilité et son engagement envers l’inclusion et l’égalité.

Depuis sa création à la fin des années 1980, l’UPNA a connu une croissance rapide, avec le développement de plusieurs campus, l’ouverture de nouvelles facultés et l’émergence de pôles de recherche de pointe. Son évolution témoigne d’une volonté constante de s’adapter aux besoins sociétaux et aux transformations du monde académique. Aujourd’hui, elle accueille un peu moins de 10’000 étudiantes et étudiants, encadré·es par plus de 1’000 membres du corps professoral, et affiche près de 40’000 diplômées et diplômés depuis sa fondation.

L’UPNA joue un rôle moteur dans la recherche appliquée et le développement, avec six instituts de recherche couvrant des domaines aussi variés que les villes intelligentes, la durabilité alimentaire, l’économie, les sciences sociales, la biologie appliquée ou les matériaux avancés. Elle collabore avec des centres technologiques régionaux, tels que NAITEC ou Navarrabiomed, et participe activement à des consortiums européens comme UNITA ou Campus Iberus. Ces partenariats renforcent l’impact régional et international de l’université en matière d’innovation, de recherche et de transfert de savoirs.

Le cinquième plan stratégique de l’Université Publique de Navarre (UPNA), couvrant la période 2020 à 2023 et prorogé jusqu’en 2024, a permis de structurer en profondeur le développement de l’institution autour de sept objectifs majeurs, incluant l’enseignement, la recherche, l’engagement sociétal, la transformation numérique, la durabilité, l’égalité et la visibilité institutionnelle. Sur les 99 actions initialement prévues, 83 ont été mises en œuvre de manière conforme ou anticipée, témoignant d’un pilotage stratégique efficace. L’université a connu une progression marquée dans son offre multilingue, avec une augmentation du nombre de cours en basque et en anglais, tout en garantissant une accréditation complète de ses centres selon le système de qualité AUDIT. La fréquentation des masters s’est consolidée et les thèses doctorales avec mention internationale se sont multipliées. L’UPNA a également démontré un engagement fort pour le développement durable, en lançant notamment le projet UPNA Green, qui vise à couvrir 40 % des besoins en électricité par une production photovoltaïque locale, soutenue par un investissement supérieur à trois millions d’euros. Sur le plan institutionnel, des avancées ont aussi été enregistrées dans la digitalisation des services et dans le renforcement de la visibilité via des collaborations avec des entreprises et institutions publiques, à travers les contrats dits « Art. 83 ».

Malgré ces réussites, certaines faiblesses persistent. La participation des étudiantes et étudiants aux activités de volontariat a diminué, tout comme le nombre de conventions à portée sociale. Par ailleurs, l’adaptation énergétique des infrastructures n’a pas progressé au rythme attendu. En matière de ressources humaines, des efforts de stabilisation du personnel enseignant ont été entrepris, mais les résultats restent inégaux selon les corps académiques. Ces limites rappellent l’importance d’un pilotage continu et d’une attention particulière à l’équilibre entre innovation et inclusion dans la mise en œuvre des politiques universitaires.

Dans ce contexte, la préparation du sixième plan stratégique, prévu pour la période 2025 à 2028, s’inscrit dans une démarche participative lancée dès 2024. L’université a mobilisé des groupes de travail thématiques rassemblant les vice-rectorats, la direction, la secrétaire générale et des expert·es externes afin de définir les nouveaux axes d’action. Le processus a également impliqué le Conseil social de l’UPNA, garantissant une vision intégrée des besoins institutionnels et régionaux. L’analyse en cours est structurée autour de six grandes priorités : formation, recherche, internationalisation, ressources humaines, rayonnement sociétal et gestion des ressources. L’UPNA entend ainsi actualiser sa stratégie en lien avec les transformations sociales, économiques et scientifiques qui affectent la Navarre et l’espace européen de l’enseignement supérieur.

Selon la vice-rectrice Mónica Cortiñas, ce nouveau plan vise à faire de l’UPNA un moteur de l’innovation pédagogique, un acteur plus influent dans l’espace académique international et un levier de bien-être social pour le territoire. L’accent sera mis sur la qualité académique, la coopération interinstitutionnelle et la capacité à répondre aux enjeux contemporains dans un cadre de responsabilité sociale renforcée. Enfin, l’UPNA s’engage activement dans la transition écologique et le développement durable. Elle vise non seulement à réduire sa consommation d’énergie fossile, à développer l’autoconsommation électrique et à promouvoir une gestion durable de ses infrastructures, mais également à renforcer les initiatives sociales, telles que l’égalité de genre, l’accessibilité universelle, la santé communautaire et la participation citoyenne. Elle affirme ainsi son rôle d’actrice engagée dans la transformation de la société navarraise.

Entretiens

Introduction

La visite de l’Université Publique de Navarre (UPNA) s’est déroulée sur deux journées particulièrement riches en échanges, permettant d’appréhender de manière globale les dynamiques stratégiques, académiques et organisationnelles de l’établissement. Les rencontres avec les vice-rectorats, les directions d’école, les instituts de recherche et les responsables de la vie universitaire ont permis de mieux comprendre la cohérence entre les objectifs institutionnels et les actions menées dans les départements. Ce programme structuré a offert un aperçu concret de la gouvernance, de l’internationalisation, de la recherche, de l’innovation pédagogique ainsi que de l’engagement social de l’université.

Rencontre institutionnelle avec le Vice-recteur à l’internationalisation

La rencontre institutionnelle avec le Vice-recteur à l’internationalisation de l’UPNA a permis de mieux comprendre les fondements de son positionnement stratégique. Située dans une région à fort potentiel industriel et d’innovation, la Navarre bénéficie d’une autonomie fiscale rare en Espagne, lui permettant de disposer de fonds propres pour soutenir ses priorités. L’université s’inscrit pleinement dans cet écosystème en se montrant attractive pour les talents et innovante dans ses approches. L’environnement régional est particulièrement favorable, avec des indicateurs parmi les plus élevés du pays en matière de qualité de vie, de pouvoir d’achat, de durabilité environnementale et de sécurité.

Le campus principal est implanté au cœur d’un espace vert en ville, offrant un cadre agréable et cohérent avec les engagements durables de l’institution. L’organisation académique se distingue par l’absence de facultés, l’ensemble des programmes étant répartis entre des écoles techniques ou disciplinaires. L’offre de formation est étoffée, avec 27 bachelors, 35 masters, 15 doctorats et une quarantaine de formations continues, portées par plus de 1’300 membres du corps enseignant. Le taux d’employabilité des diplômé·es est excellent, notamment au niveau bachelor, ce qui reflète la qualité de l’enseignement et l’adéquation avec les besoins du marché régional.

La mobilité internationale est un axe fort avec plus de 300 contrats de coopération, 1’000 personnes en mobilité chaque année, et une part importante d’étudiant·es engagé·es dans des expériences à l’étranger. L’université accueille également un nombre croissant d’étudiant·es internationaux, en particulier au niveau master et doctorat. Plusieurs formations sont proposées en anglais ou en français, témoignant de l’ouverture européenne et de l’ancrage dans des alliances telles que le campus Iberus ou le consortium UNITA.

Sur le plan de la recherche, l’UPNA affiche une structure multidisciplinaire et orientée vers les enjeux sociaux. Un modèle de type « guichet unique » facilite les liens entre la recherche et la société, avec une interface bien connectée au tissu économique. L’université compte plus de 1’000 chercheur·es, 4 bourses ERC, un volume conséquent de transfert de technologie, ainsi que des publications et thèses en forte croissance. Les instituts, les chaires et les collaborations avec les secteurs agroalimentaire, automobile et des énergies renouvelables contribuent à une recherche appliquée de haut niveau. Le financement est stable grâce à un contrat établi avec le gouvernement de Navarre, soutenant l’internationalisation, l’innovation et l’impact sociétal.

Enfin, l’université poursuit ses engagements durables avec une réduction importante de sa consommation d’électricité grâce aux énergies renouvelables, un nouveau programme médical intégré à l’hôpital, et des projets de spin-offs qui émergent principalement dans le champ de l’ingénierie. Le tout s’inscrit dans une logique de développement régional au service de la société, dans un esprit d’ouverture et de responsabilité.

Visite du Campus

La visite du campus a permis de découvrir une structure à taille humaine, implantée dans un ancien parc verdoyant. L’ensemble architectural s’organise de manière symbolique selon une analogie avec le corps humain : la tête est représentée par le bâtiment du Rectorat, le cœur par la bibliothèque centrale, et les jambes par le bâtiment des cours. Sur les côtés, les laboratoires évoquent les bras d’une figure multiple, à l’image de la déesse Shiva, donnant au campus une dimension à la fois fonctionnelle et imagée.

Développement économique des instituts de recherche

La rencontre avec Mme Begoña Vicente, responsable du développement économique des instituts de recherche, a permis de mesurer la place stratégique qu’occupe l’UPNA dans l’écosystème régional et national d’innovation. L’université figure parmi les premières en Espagne en matière d’insertion professionnelle, tant au niveau bachelor que master, et se distingue par un positionnement à la fois technique et humain. Elle propose des formations de master dans les domaines de l’ingénierie, des télécommunications, du marketing, de l’agriculture et de la biotechnologie, ainsi que des doctorats en sciences.

L’université est fortement impliquée dans des alliances telles que UNITA, le Campus Iberus et le groupe G9, et s’appuie sur une activité de recherche intense avec 75 nouveaux projets financés récemment, plus de 230 projets de recherche en cours, une centaine de thèses soutenues chaque année, et plusieurs brevets déposés. L’UPNA compte six instituts de recherche, chacun centré sur des thématiques stratégiques et pluridisciplinaires : ISC pour les villes intelligentes, INAMAT pour les sciences de base et les nanotechnologies, INARBE pour les sciences économiques, ISFOOD pour l’alimentation durable, I-COMMUNITAS pour les sciences sociales et IMAB pour la biotechnologie et l’environnement.

L’université s’illustre aussi dans le transfert technologique, avec un lien fort aux entreprises à travers des spin-offs actives dans des domaines variés (santé, IA, agriculture, énergie), des clubs d’entrepreneurs et des participations à des clusters régionaux. La stratégie repose sur une logique de “guichet unique” et une volonté de bâtir des relations durables et mutuellement bénéfiques entre la recherche et la société.

La visite s’est prolongée avec la découverte de plusieurs projets issus des spin-offs, dont Eversens, qui développe un dispositif innovant d’analyse de la respiration pour détecter des biomarqueurs de santé. D’autres initiatives portaient sur l’usage avancé des drones, notamment pour améliorer la couverture de communication en zone difficile, cartographier l’environnement ou encore prévenir les pannes dans les réseaux électriques par des diagnostics infrarouge en zone montagneuse. Ces démonstrations ont illustré concrètement le lien entre recherche appliquée, innovation technologique et service à la société.

École Technique Supérieure d’ingénierie industrielle et des technologies de l’information et de la communication

La rencontre avec M. Iñigo de la Parra, vice-doyen aux relations internationales de l’École Technique Supérieure d’Ingénierie Industrielle et des TIC, a permis de mieux comprendre la structure, les atouts et les projets internationaux de cette entité clé de l’UPNA. L’école bénéficie d’un ancrage territorial fort à Pampelune, ville verte, sûre, étudiante et multiculturelle. Navarre, distinguée pour sa qualité de vie et son dynamisme entrepreneurial, constitue un environnement favorable à l’innovation et à la recherche appliquée, en particulier dans les secteurs de l’ingénierie et des énergies renouvelables.

L’offre de formation est structurée autour de sept programmes internationaux en anglais, notamment en télécommunications, biomédical et administration des affaires combinée à l’ingénierie. Les cursus sont pensés de manière modulaire et professionnalisante, avec un fort accent sur les stages en entreprise. Quatre bachelors sont proposés dans le domaine de l’ingénierie industrielle (électrique, mécanique, conception mécanique et ingénierie industrielle) et quatre dans le domaine de l’informatique et des télécommunications, avec une option double diplôme. Les trois premiers bachelors en ingénierie industrielle ne nécessitent pas de master pour accéder au marché du travail grâce au droit à la signature de projets, alors que le bachelor en ingénierie industrielle conduit naturellement à un master. Côté master, l’offre comprend notamment des programmes en énergies renouvelables, en matériaux et procédés, et en gestion de projets. Un nouveau master en énergie éolienne sera lancé en anglais dès septembre, tandis que le master en machine learning, également en anglais, attire déjà un intérêt notable.

La vie estudiantine est fortement soutenue : chaque étudiant est suivi par un tuteur académique durant tout son parcours, et le mentorat entre pairs est structuré, avec 61 mentors accompagnant actuellement plus de 330 étudiants. Ce soutien se traduit par des taux d’employabilité remarquables : 100 % pour les étudiantes et étudiants en ingénierie, dont 60 % poursuivent en master, tandis que 40 % rejoignent directement le marché du travail ou d’autres universités espagnoles.

L’ouverture internationale est une priorité affirmée, avec plus de 300 accords dans 50 pays et une forte demande de mobilité, allant jusqu’à créer des listes d’attente pour les stages à l’étranger. Le programme Erasmus est bien implanté et un dispositif de soutien solidaire est en place pour accompagner les mobilités vers l’Amérique latine, incluant une phase de préparation obligatoire et une aide financière. Le bureau d’accueil universitaire apporte une aide complète pour l’installation des étudiantes, étudiants et chercheur·es internationaux.

L’école affiche également un engagement fort en recherche appliquée : elle coordonne ou participe à plus de 180 projets par an, dont 160 avec des entreprises, en lien avec 19 chaires actives. Elle supervise environ 400 thèses, dont une douzaine en doctorat industriel. Des appels internes soutiennent l’entrée en recherche, notamment à travers des financements pour les jeunes chercheur·es. L’excellence scientifique est attestée par la présence de 25 chercheur·e s parmi les 2 % les plus cité·es au niveau mondial, et des initiatives de vulgarisation scientifique viennent compléter cette dynamique.

Cette rencontre a permis de prendre la mesure de la solidité académique et du rayonnement international de cette école, ainsi que de sa capacité à conjuguer excellence, inclusion et ancrage socio-économique.

École Technique Supérieure d’ingénierie agricole et des biosciences

La rencontre avec le vice-doyen à l’internationalisation, D. Iñigo Virto, a permis de découvrir une école fortement enracinée dans la région de Navarre, avec une tradition de plus d’un siècle dans la formation agronomique. L’école actuelle, créée en 1987, s’est transformée en 2018 avec l’ajout d’un pôle biosciences, marquant ainsi une volonté de diversification et de modernisation. Elle bénéficie d’un environnement agricole dynamique, dans une région à la fois montagneuse, forestière et marquée par l’agriculture irriguée dans le sud. L’agroalimentaire y partage la première place économique avec le secteur automobile.

L’établissement propose cinq bachelors, dont deux dans le domaine de l’agroalimentaire. Le programme phare en ingénierie agricole et alimentaire, avec ses 85 étudiantes et étudiants, articule une formation pluridisciplinaire qui mène ensuite à des spécialisations (production animale, production végétale, ingénierie rurale, industrie agroalimentaire). Ce programme accueille également des étudiantes et étudiants internationaux en provenance de pays d’Amérique latine, mais aussi de France (partenariats avec Bordeaux et Lille) ou d’Italie. Le second bachelor, axé sur l’innovation alimentaire, est très tourné vers l’industrie, avec une orientation pratique et des liens forts avec le tissu économique régional. Une double formation sur cinq ans est aussi possible, mais son format rend les échanges internationaux plus complexes.

La formation est également ancrée dans les réalités professionnelles. Les projets d’irrigation, par exemple, sont réglementés : seuls les titulaires de master en ingénierie rurale peuvent signer certains projets d’envergure. Le lien avec les pratiques de terrain est renforcé par des stages de deux mois, obligatoires en agriculture, et par la proximité des laboratoires et des champs d’essai. La production animale, en revanche, se fait à l’extérieur, en lien avec des fermes partenaires.

Sur le plan des sciences, trois bachelors sont proposés : en sciences générales (permettant l’accès à tous les masters scientifiques ou à l’enseignement), en biotechnologie, et en datascience (avec parfois une perte d’effectifs attirés tôt par l’industrie). La plupart des travaux de bachelor dans le domaine agroalimentaire demandent environ trois mois de travail (60 heures prévues).

L’offre de masters couvre l’agrobiologie, l’œnologie, les systèmes d’information géographique, la technologie agroalimentaire et la biotechnologie. Un nouveau master Erasmus Mundus en anglais dédié aux technologies agricoles verra le jour l’année prochaine, en collaboration avec l’Université d’Athènes et des partenaires portugais. Sélectif et exigeant, il permettra d’accueillir 30 étudiantes etétudiants dont 20 boursiers (seulement 2 pour l’Europe).

Cette école conjugue héritage académique, ancrage territorial et ouverture internationale, tout en gardant une forte proximité avec les besoins du monde agricole et industriel.

Département de Statistique, Informatique et Mathématiques

Cette visite s’est déroulée au bâtiment « Los Pinos » en compagnie du Professeur D. Cédric Marco Detchart, responsable du groupe de recherche en intelligence artificielle et raisonnement approximatif. Le département regroupe 120 personnes, dont environ 40 en informatique. Deux groupes de recherche sont actifs dans le domaine de l’intelligence artificielle, rassemblant entre 10 et 12 personnes autour des thématiques du langage et du raisonnement approximatif.

Cinq doctorants sont actuellement inscrits, dont un en lien direct avec l’industrie. Le financement provient à la fois de projets européens et de partenariats industriels. Toutefois, les motivations de l’industrie sont parfois limitées à des considérations fiscales, et les entreprises attendent un retour direct sur investissement sous forme de résultats concrets. Cela peut limiter la liberté académique, notamment en matière de publications, qui ne doivent pas dépasser 50 % de la charge d’un projet. Par ailleurs, les difficultés d’accès à des jeux de données adaptés compliquent les recherches, en particulier dans des domaines comme la production industrielle, où il est difficile d’obtenir des alternatives ou des données ouvertes.

Le département occupe une position forte sur le marché de l’emploi : les diplômées et diplômés trouvent rapidement un poste en lien avec leur formation. La majorité des financements viennent du secteur industriel, et le département fonctionne parfois comme un prestataire de services pour d’autres unités de l’université. Il est aussi actif dans les domaines de la logistique et constitue un hub reconnu dans le domaine de l’intelligence artificielle appliquée. Le manque de masse critique empêche cependant l’université de se positionner dans des recherches fondamentales ambitieuses.

L’équipe insiste sur l’importance d’une formation solide en mathématiques et en physique pour éviter que les spécialistes de la data science ne soient réduits à de simples « utilisateurs ». Dans cette optique, un bachelor en data science de 240 ECTS sur 4 ans intègre des modules en biologie, génétique, physique, entrepreneuriat, finance et analyse de marché. L’objectif est de former des profils transversaux capables de comprendre l’impact des sciences dans leur ensemble.

En parallèle, un double diplôme unique en Espagne est proposé : « Business and Data Science ». Ce cursus de 5 ans et demi (360 ECTS) accueille une dizaine d’étudiantes et d’étudiants triés sur le volet, avec un taux de réussite exigé de 95 % pour que le programme reste viable. Ce double diplôme permet un accès direct aux études doctorales. L’approche pédagogique se distingue par un accent mis sur la modélisation mathématique plus que sur la programmation, et par une volonté affirmée de préparer les jeunes diplômé·es à anticiper les besoins futurs. L’équipe met en avant une atmosphère stimulante et agréable autour de ce programme innovant.

Reconnaissance de compétences sociétales

La rencontre avec le directeur de la zone étudiante, M. Ricardo Arlegi, s’est centrée sur les dispositifs visant à encourager la participation des étudiantes et des étudiants aux activités culturelles, sportives, associatives ou transversales, en valorisant ces engagements dans leur parcours académique. Conformément à la loi espagnole qui impose aux universités de promouvoir ces formes de participation, l’UPNA applique le seuil maximal autorisé, soit jusqu’à 10 % du total des crédits d’un bachelor (soit 24 ECTS) via des activités complémentaires. Deux modalités de reconnaissance coexistent : une validation formelle de ces activités dans le cursus, et un document officiel appelé UpnaPass, remis à la fin des études. L’UpnaPass, pionnier en Espagne et adopté depuis par d’autres universités, est trilingue (espagnol, basque, anglais) et peut également être obtenu par les étudiantes et étudiants en master. Il répertorie les activités dans sept domaines : culture, sport, langues, représentation étudiante, responsabilité sociale, cours de spécialisation (dont microcrédits), et compétences transversales. Une initiative connexe, Dale Crédito a tu cultura, repose sur un passeport personnel qui permet de cumuler des points lors de la participation à des événements culturels (concerts, expositions, conférences…) pouvant être ensuite validés en ECTS. Bien que cette démarche renforce les liens avec les institutions culturelles de Navarre, elle présente des défis administratifs importants, nécessitant la coordination de nombreux services et la mise en place de solutions logicielles spécifiques. Selon une enquête récente, seuls 23 % des étudiantes et étudiants connaissent le UpnaPass et seulement 5 % ont participé à Dale Crédito a tu cultura, malgré une offre en croissance (227 activités proposées en 2023/2024 contre 159 en 2021/2022), soulignant un besoin renforcé en communication.

Conclusion avec le Vice-recteur

La discussion finale avec le vice-recteur à l’internationalisation et à la coopération, M. Jorge Elso Torralba, a permis de mettre en évidence l’alignement stratégique de l’UPNA avec les besoins du tissu socio-économique régional, caractérisé par une forte orientation vers la recherche appliquée. L’université développe des liens étroits avec les entreprises, tant dans la formation que dans la recherche, notamment à travers les stages, qui peuvent se dérouler dans des entreprises ou au sein même de l’université. Les travaux de bachelor, d’une durée de 15 semaines pour certains programmes et comptant entre 12 et 18 ECTS, présentent des similitudes avec les pratiques en vigueur à la HES-SO, ouvrant ainsi des perspectives concrètes de collaboration dès le niveau bachelor. Ce rapprochement est particulièrement pertinent dans les domaines de l’ingénierie, notamment en génie électrique et en technologie des drones, où des dynamiques comparables sont en cours. Les partenariats existants en agriculture, notamment via Erasmus, illustrent déjà la coopération en cours avec la HES-SO. Enfin, les priorités de recherche, centrées sur l’intelligence artificielle, la science des données et les technologies de drones, témoignent d’une convergence thématique forte avec les axes stratégiques de notre domaine.

Analyse

L’UPNA démontre une articulation forte entre le développement de ses programmes et les besoins de son environnement socio-économique. Cette orientation se manifeste notamment par une interaction constante avec les clusters industriels et une validation étroite des programmes par les autorités régionales. Ce modèle est comparable à celui de la HES⁠‑⁠SO, notamment dans le rôle du gouvernement dans le financement des formations. La proximité des entreprises influe directement sur la structure des cursus, ce qui permet une réactivité remarquable aux évolutions du marché. L’enjeu de l’employabilité guide clairement la construction des programmes, tant au niveau bachelor que master, ce qui contribue à une adéquation constante entre formation et insertion professionnelle.

L’attractivité des formations, en particulier en ingénierie, se confirme par le nombre élevé de candidatures par rapport aux places disponibles, à l’exception de quelques filières spécifiques telles que l’ingénierie en design industriel ou la production animale. Par ailleurs, le système UPNA reconnaît jusqu’à 10 % de crédits ECTS à des activités annexes (culturelles, sportives, sociales), renforçant l’engagement des étudiantes et étudiants. Ces dispositifs, bien qu’encore trop peu connus, offrent un cadre motivant et différenciateur, notamment grâce à l’initiative « UPNApass », pionnière en Espagne, qui valorise l’engagement étudiant de manière officielle et multilingue.

Concernant l’équilibre entre cycles courts et formations longues, l’Espagne se distingue avec un bachelor de 240 ECTS sur 4 ans, permettant une insertion professionnelle directe. Toutefois, de nombreux·ses étudiant·es poursuivent vers un master, parfois dès l’obtention du bachelor. On estime à environ 60 % la proportion d’étudiant·es qui poursuivent leurs études, ce qui montre que le cycle long reste une voie privilégiée, notamment à travers des doubles diplômes comme celui en data science et business. Ce dernier, très sélectif, allie compétences techniques et économiques dans une formation de 5.5 ans (360 ECTS), démontrant une forme de flexibilité hybride répondant aux besoins croisés du marché et de la formation.

En matière de modularité, l’UPNA propose plusieurs pistes intéressantes, notamment la reconnaissance de micro-formations, les doubles diplômes ou les parcours à option. La validation des acquis de l’expérience (VAE), en revanche, n’a pas été abordée pendant la visite, et les effets de ces dispositifs sur la réussite académique n’ont pas été discutés en détail. On peut néanmoins saluer les efforts faits pour offrir une flexibilité dans les parcours, notamment via les crédits optionnels ou les programmes conjoints. Enfin, la synergie entre enseignement et recherche apparaît de manière très appliquée, en lien direct avec les besoins industriels. Des projets comme l’ouverture du master en intelligence artificielle, né des attentes des clusters régionaux, illustrent bien cette approche. Les chaires soutenues financièrement par des entreprises témoignent d’une volonté partagée de faire avancer la recherche dans des domaines ciblés. Cependant, la participation des étudiantes et étudiants de niveau bachelor à des projets de recherche n’a pas été mise en évidence durant la visite, ce qui laisse penser que l’implication précoce dans la recherche reste encore marginale à ce niveau d’étude.

ObjectifObservations
1. Développement des programmes en collaboration avec les milieux professionnels 
1.1 Analyser les stratégies adoptées pour intégrer des partenariats avec les entreprisesLes programmes sont fréquemment élaborés en lien avec les besoins exprimés par le tissu socio-économique, notamment à travers les clusters. Le financement gouvernemental agit comme mécanisme de validation, ce qui rappelle les pratiques observées à la HES⁠-⁠SO.
1.2 Identifier les pratiques innovantes de co-construction répondant aux besoins du marchéLa proximité avec les entreprises favorise une adaptation rapide des programmes aux besoins du marché, ce qui renforce l’employabilité des diplômé·es, tant au niveau bachelor que master.
2. Attractivité des formations en ingénierie 
2.1 Étudier les initiatives visant à renforcer l’attractivité des filières, notamment en lien avec l’employabilitéL’attractivité des formations est globalement forte, avec plus de demandes que de places, sauf exception (notamment en ingénierie du design industriel ou production animale).
2.2 Analyser les dispositifs mis en place pour attirer davantage d’étudiantes et d’étudiantsLes activités annexes validées dans le parcours académique (jusqu’à 24 ECTS au bachelor) constituent un atout de l’attractivité, bien que leur visibilité puisse encore être améliorée.
3. Formation courte versus cycles longs 
3.1 Comparer les programmes professionnalisants courts avec les filières classiques (5 ans)Le bachelor en Espagne s’étend sur 240 ECTS, ce qui le rend professionnalisant. Le double diplôme sur 5 ans, bien que très sélectif, attire. Environ 60 % des étudiant·es poursuivent leurs études au niveau master, malgré sa durée variable.
3.2 Identifier les forces et limites des deux systèmes (flexibilité, employabilité, transfert de compétences)L’offre de formation comprend les niveaux bachelor, master et doctorat. Les programmes sont modulaires, avec une première année commune. La flexibilité est renforcée par la validation d’activités annexes et l’existence de parcours à option.
4. Flexibilité des formations 
4.1 Explorer les dispositifs favorisant la modularité : VAE, micro-certifications, parcours hybridesLe double diplôme, par exemple en datascience et business, peut être considéré comme une forme de parcours hybride. La validation des acquis de l’expérience (VAE) n’a pas été évoquée.
4.2 Étudier l’effet de ces dispositifs sur la réussite académique et les parcours individualisésL’effet de ces dispositifs sur les parcours individualisés n’a pas été discuté lors de la visite.
5. Articulation entre enseignement et recherche 
5.1 Analyser des exemples de collaboration réussie entre enseignement et rechercheLa création d’un programme en intelligence artificielle résulte d’une demande des entreprises. De nombreuses collaborations avec les milieux professionnels sont visibles à travers les stages, travaux de bachelor et chaires d’entreprise.
5.2 Identifier les pratiques favorisant la participation des étudiantes et des étudiants à la recherche dès le bachelorAucune information concrète n’a été fournie concernant la participation des étudiant·es à la recherche dès le bachelor.

Conclusion

La visite de l’Université Publique de Navarre (UPNA) a permis de découvrir une institution profondément ancrée dans son territoire, avec une mission claire : répondre aux besoins du tissu socio-économique par une offre de formation et de recherche pertinente et accessible. Le lien étroit avec les entreprises, la capacité à adapter les programmes en fonction des demandes du marché, ainsi que l’orientation marquée vers la recherche appliquée témoignent d’une dynamique proactive au service de l’innovation et de l’employabilité.

À travers ses différentes écoles, ses instituts de recherche pluridisciplinaires, et ses projets de coopération internationale, l’UPNA démontre une capacité remarquable à concilier excellence académique et impact sociétal. Les dispositifs tels que l’UpnaPass ou les doubles diplômes témoignent également d’une attention portée au développement personnel des étudiantes et étudiants et à l’ouverture sur le monde. De mon côté, je retiens de cette visite un campus à taille humaine avec une grande proximité entre les étudiantes et les étudiants, mais également avec le corps professoral. La localisation sur un site unique renforce cette proximité, et le parc verdoyant offre un cadre propice aux échanges. Le lien avec les entreprises et les besoins sociétaux est au cœur même des préoccupations, non seulement du rectorat, mais également de l’ensemble du personnel académique. Il ressort de toutes les rencontres un véritable souhait de proposer des solutions innovantes pour le bien-être de la population et le développement durable des entreprises de la région.

Remerciements

Je tiens à remercier tout d’abord chaleureusement M. Jorge Elso Torralba, Vice-recteur à l’internationalisation et à la coopération, ainsi que Mme Elena Urizar, coordinatrice à la promotion internationale, pour l’organisation précise et efficace de ces deux journées à l’UPNA. Leur accueil, leur disponibilité et leur accompagnement tout au long de la visite ont grandement facilité des échanges riches et ouverts.

Je souhaite également exprimer ma sincère reconnaissance à l’ensemble des personnes rencontrées durant ces deux jours : Mme Begoña Vicente, responsable du développement commercial des instituts de recherche, Mme Arantxa Pérez, responsable du bureau UNITA, M. Iñigo de la Parra, vice-doyen à l’internationalisation de l’école d’ingénierie industrielle et TIC, M. Iñigo Virto, vice-doyen à l’internationalisation de l’école d’ingénierie agricole et biosciences, le professeur Cédric Marco Detchart du département de statistique, informatique et mathématiques, ainsi que M. Ricardo Arlegi, directeur de l’« Student Area » et aux autres personnes dont je n’ai pas eu le temps de prendre le nom.

Chacune et chacun a contribué par la qualité de ses propos, la richesse des informations partagées et la clarté de ses présentations à offrir un panorama vivant et structuré des dynamiques à l’œuvre à l’UPNA, dans ses liens avec la société, son engagement dans la recherche appliquée, l’ouverture internationale et le soutien au corps estudiantin. À toutes et à tous, un grand merci pour votre disponibilité, votre engagement et votre ouverture, qui témoignent de la vitalité de votre institution et de son ancrage dans les défis contemporains. Ces échanges nourriront assurément les réflexions du Conseil de domaine Ingénierie et Architecture de la HES⁠-⁠SO.