Résumé

La visite de l’University College Cork (UCC) en Irlande s’inscrit dans une démarche de compréhension et de comparaison des modèles universitaires européens, notamment dans leurs articulations avec le tissu socio-économique et les stratégies d’ouverture internationale. Fondée en 1845, l’UCC est aujourd’hui l’une des universités majeures du pays, accueillant plus de 26’000 étudiantes et étudiants en 2024/2025, dont environ 1’300 doctorant·es. Située à dix minutes du centre-ville, son campus combine patrimoine historique et infrastructures modernes, ce qui reflète la capacité de l’institution à conjuguer tradition et innovation. L’université se structure en quatre « Colleges » – Arts, Celtic Studies & Social Sciences ; Business & Law ; Medicine & Health ; et Science, Engineering & Food Science – qui offrent une lisibilité institutionnelle et favorisent les collaborations interdisciplinaires.

L’entretien avec le doyen de l’ingénierie et de l’architecture, le Prof. Jorge C. Oliveira, a mis en évidence la cohérence du modèle de formation en ingénierie et la place essentielle des relations avec l’industrie. L’école d’ingénierie s’organise autour d’un cadre unifié intégrant les disciplines principales (génie civil, électronique, énergie, process et génie chimique), ce qui facilite les synergies entre domaines. Le cursus standard comprend quatre années de bachelor suivies d’un master d’un an, garantissant une reconnaissance professionnelle internationale (FEANI, Washington Accord). Les liens avec le monde économique sont particulièrement forts : environ 10 % des cours sont assurés par des professionnels et une part importante des projets de formation est réalisée en partenariat avec les entreprises, ce qui renforce l’employabilité et l’adéquation des compétences.

La visite du centre MaREI (Marine and Renewable Energy Ireland) a illustré la capacité de l’UCC à fédérer des expertises autour de thématiques globales telles que la transition énergétique, le climat et l’économie bleue. Avec plus de 220 chercheurs issus de 13 institutions partenaires et plus de 100 entreprises collaboratrices, le MaREI est devenu un acteur de référence. Ses infrastructures de pointe, telles que des bassins de simulation océanique, des dispositifs de test pour les plateformes offshore ou encore un laboratoire électrique de micro-réseaux, permettent de développer et d’évaluer des technologies innovantes dans le domaine des énergies marines. Outre sa contribution scientifique, le MaREI joue un rôle structurant dans l’élaboration des politiques publiques, tant en Irlande qu’au niveau européen, en soutenant la décision politique et en engageant la société civile dans les enjeux climatiques.

Le Cork Centre for Architectural Education, créé en 2006 en partenariat avec le Munster Technological University (MTU), a également été un moment fort de la visite. Le cursus proposé associe un bachelor of science (honours) de quatre ans à un master d’un an, soit cinq années de formation accréditée par la RIAI et conforme aux standards européens. L’approche pédagogique se caractérise par la créativité, l’importance donnée à l’art et l’intégration d’une réflexion sociétale dans les projets. Le bâtiment qui accueille les cours reflète cette philosophie : son aménagement intérieur ouvert et interconnecté favorise le dialogue entre les différentes années d’étude. Les travaux de master, présentés autour de la reconversion d’une friche à Marseille, illustrent la richesse de cette approche combinant observation, croquis, prototypes et réflexion artistique.

L’exploration du système éducatif irlandais a permis de mettre en évidence plusieurs spécificités. Contrairement à la Suisse, dont le cadre national des qualifications s’aligne sur le cadre européen (CEC) jusqu’au niveau 8, le système irlandais s’étend jusqu’au niveau 10. Il distingue notamment le bachelor (3 ans, 180 ECTS), le bachelor with honours (4 ans, 240 ECTS) et le master (niveau 9). Cette configuration découle de facteurs historiques et financiers : le financement public via le Higher Education Authority (HEA – Free Fees Initiative) couvre les frais de scolarité de premier cycle mais pas intégralement ceux du deuxième cycle. Les frais de master étant généralement plus élevés, cette distinction permet aux étudiantes et étudiants de choisir la voie la plus adaptée à leurs ressources et à leurs ambitions académiques. L’analyse globale de l’UCC montre ainsi une université dynamique, dont la force réside dans sa capacité à intégrer recherche, formation et partenariats industriels. La diversité des approches pédagogiques, la place accordée à l’innovation et l’ouverture internationale témoignent d’une institution en constante adaptation aux enjeux de son temps. Comparée au système suisse, l’UCC met en avant davantage de flexibilité dans les parcours et une implication directe dans les politiques publiques, bien que le coût des études puisse représenter un frein pour certaines et certains étudiants. En définitive, l’UCC se positionne comme un acteur de premier plan dans l’enseignement supérieur irlandais et européen, alliant excellence scientifique, engagement sociétal et pertinence économique, et constitue un partenaire stratégique de choix pour de futures coopérations académiques et institutionnelles.

Description de l’université

Introduction et généralités

Fondée en 1845 à la suite d’une longue campagne en faveur de l’enseignement supérieur dans la province du Munster, l’University College Cork (UCC) est aujourd’hui l’une des principales universités d’Irlande. Le campus s’étend sur environ 170’000 m² de terrains boisés, à seulement dix minutes à pied du centre-ville de Cork, ce qui lui confère une position privilégiée au cœur de la deuxième agglomération du pays. Alliant patrimoine historique et infrastructures modernes, UCC incarne le rôle central de Cork en tant que ville universitaire et pôle académique majeur du sud-ouest irlandais.

Avec une communauté étudiante en croissance constante, UCC comptait en 2024/2025 plus de 26’000 étudiantes et étudiants inscrits dans ses programmes de bachelor et de master, auxquels s’ajoutent environ 1’300 doctorantes et doctorants. La majorité des effectifs suit une formation à plein temps, mais l’université accueille également un nombre significatif d’apprenants à temps partiel, en formation continue ou à distance. Cette diversité des profils reflète la mission inclusive de l’institution, qui combine formation initiale, recherche de pointe et éducation tout au long de la vie.

Profil institutionnel de l’UCC

UCC[1] offre plus de 120 programmes diplômants et professionnels organisés en quatre grandes facultés :

  • Arts, Celtic Studies & Social Sciences
  • Business & Law
  • Medicine & Health
  • Science, Engineering & Food Science

Cette structuration traduit la volonté d’offrir une couverture académique large, combinant disciplines traditionnelles et domaines émergents. L’université est membre de la National University of Ireland (NUI) et s’inscrit pleinement dans le paysage européen de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le profil institutionnel 2022 de l’UCC[2] souligne la progression continue de l’université en matière d’enseignement et de recherche. Elle affiche un taux élevé de satisfaction étudiante et un engagement fort envers l’innovation pédagogique, incluant l’utilisation de méthodes actives et numériques. Sur le plan de la recherche, UCC dispose de nombreux centres de recherche reconnus au niveau international, particulièrement dans les sciences de la vie, l’alimentation, l’ingénierie et les sciences sociales appliquées.

En matière d’internationalisation, UCC accueille chaque année plusieurs milliers d’étudiantes et d’étudiants internationaux, issus de plus de 100 pays, consolidant son rôle d’université globalisée. Elle entretient des partenariats académiques et scientifiques avec de nombreuses universités européennes, nord-américaines et asiatiques, ce qui lui permet de proposer des mobilités étudiantes et des projets de recherche conjoints.

La gouvernance de l’UCC repose sur un équilibre entre autonomie académique et responsabilité publique. Le conseil d’administration et la direction de l’université portent une vision stratégique centrée sur trois axes : excellence académique, impact sociétal et durabilité. Cette orientation est visible à travers des investissements conséquents dans l’infrastructure, la recherche appliquée et le développement durable du campus.

Impact socio-économique

Le rapport Economic and Societal Impact 2024[3] met en évidence l’importance de l’UCC dans l’écosystème régional et national. L’université contribue directement et indirectement à la création de milliers d’emplois, que ce soit par ses personnels, ses activités de recherche, ses collaborations avec les entreprises ou l’attractivité générée pour la ville de Cork. L’impact économique direct est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros annuellement, consolidant UCC comme un acteur central de l’économie locale.

L’université joue un rôle essentiel dans le développement des secteurs stratégiques de la région : sciences de la vie, technologies numériques, alimentation, santé, énergies renouvelables. À travers ses centres de recherche, elle soutient l’innovation et le transfert de connaissances, favorisant l’émergence de start-up et de spin-off, mais aussi la compétitivité des grandes entreprises implantées à Cork.

L’UCC est également engagée dans une démarche forte de durabilité et de responsabilité sociétale. Son campus figure parmi les plus verts d’Europe, et l’institution est régulièrement classée dans les meilleures universités mondiales pour ses actions en faveur du développement durable (classements Times Higher Education Impact). Elle promeut la réduction de l’empreinte carbone, le développement de la bioéconomie et l’intégration des objectifs de développement durable (ODD) dans ses programmes de formation et de recherche.

Sur le plan social, UCC assume un rôle de cohésion et d’inclusion. L’université multiplie les initiatives pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur, notamment pour les publics défavorisés ou issus de milieux ruraux. Elle s’investit aussi dans la vie culturelle de Cork, par ses bibliothèques, musées, événements artistiques et collaborations avec les acteurs locaux.


[1]      https://www.iua.ie, consulté le 20.08.2025.

[2]      https://www.qqi.ie/sites/default/files/2022-12/University%20College%20Cork%20%28UCC%29%20Cinnte%20Institutional%20Profile%202022.pdf, consulté le 20.08.2025.

[3]      https://www.ucc.ie/en/media/aboutucc/ presidentx27soffice2024/plansandreports/ impactreport2024/ UCCEconomicandSocietalImpact2024.pdf, consulté le 20.08.2025.

Entretiens

Entretien avec Jorge C. Oliveira

Contexte

L’entretien s’est tenu avec le professeur Jorge C. Oliveira, directeur de la School of Engineering and Architecture de l’University College Cork (UCC). Le Dr Alan Morrisson, professeur en génie électrique et vice-doyen en charge des affaires étudiantes de premier cycle au sein du College of Science, Engineering and Food Science s’est excusé. Le professeur Jorge C. Oliveira occupe une fonction stratégique dans la gouvernance académique et la définition des orientations de l’ingénierie à UCC. Il dispose d’une connaissance approfondie du fonctionnement institutionnel et des enjeux de formation et de recherche.

Héritage et structuration de l’ingénierie à UCC

Comme indiqué précédemment, l’UCC a été fondée en 1845, à une période charnière marquée par la Grande Famine qui bouleversa durablement la société irlandaise. UCC est née de la volonté d’implanter un établissement d’enseignement supérieur dans la province du Munster. À l’origine, la formation en ingénierie était centrée sur le génie civil, dans un pays en pleine modernisation et où les infrastructures étaient au cœur des priorités. Avec le temps, UCC a progressivement diversifié son offre pour répondre aux mutations économiques et sociales de l’Irlande. Dès 1927, la création d’un département de sciences alimentaires a marqué une étape déterminante, reflétant l’importance du secteur agroalimentaire dans l’économie nationale.

Aujourd’hui, l’ingénierie constitue une unité académique intégrée au sein du College of Science, Engineering and Food Science, aux côtés de disciplines majeures telles que les sciences naturelles et médicales. UCC compte quatre grands collèges : Arts, Humanities and Social Sciences ; Business and Law ; Medicine and Health ; et Science, Engineering and Food Science. Au sein de ce dernier, l’ingénierie forme un pôle de référence, combinant tradition et innovation, avec une offre couvrant les principales branches : génie civil, électronique et électrique, énergie durable, procédés chimiques et alimentaires, ainsi que l’architecture.

Formation et programmes

La formation en ingénierie à UCC est structurée autour d’un parcours intégré sur cinq ans, qui combine un bachelor (Bachelor of Engineering – BE) et un master (Master of Engineering – ME). Ce modèle, adopté dans le cadre de l’harmonisation de Bologne, permet de garantir une formation approfondie et reconnue internationalement. Une année préparatoire commune regroupe l’ensemble des étudiantes et étudiants en ingénierie, avant une spécialisation progressive vers l’une des quatre grandes filières : génie civil, électronique, énergie ou procédés chimiques et alimentaires.

Chaque année, environ 145 nouvelles étudiantes et étudiants sont admis en première année d’ingénierie, sur la base du système de points du Leaving Certificate Examination (LCE). Les admissions sont sélectives et reflètent la forte attractivité de ces formations, qui remplissent chaque année l’ensemble des places disponibles. Certaines spécialités, comme le génie chimique, connaissent même une croissance soutenue ces dernières années.

Le master constitue une étape essentielle du parcours, avec une cinquième année incluant un mémoire de recherche ou un projet appliqué. L’offre de programmes est variée, incluant notamment un master en énergies renouvelables et durables, des cursus spécialisés en génie chimique ou encore des programmes internationaux tels qu’Erasmus Mundus. La reconnaissance des diplômes est assurée par l’accréditation de la FEANI et l’adhésion de l’Irlande au Washington Accord, ce qui garantit la compatibilité des qualifications avec de nombreux pays.

Une partie des étudiants poursuit un master à temps partiel, en parallèle d’une activité professionnelle, ce qui reflète l’adaptabilité de l’institution aux besoins de formation continue et d’éducation tout au long de la vie. En moyenne, 50 % des diplômés poursuivent des études de master, avec une forte demande dans le domaine des procédés chimiques, notamment sous l’impulsion du secteur pharmaceutique.

Recherche et liens avec l’industrie

UCC se distingue par son ancrage dans un écosystème de recherche de niveau international. Plusieurs centres de recherche de premier plan sont rattachés ou associés à l’université, parmi lesquels le Tyndall National Institute (microélectronique, nanotechnologies, TIC), l’Environmental Research Institute (ERI, centré sur l’énergie et l’environnement) et le MaREI (Marine and Renewable Energy Institute), leader en recherche appliquée sur l’énergie marine et éolienne. Ces structures accueillent une part significative des doctorantes et doctorants de l’université, avec des co-encadrements entre les écoles et les instituts.

La recherche est étroitement articulée à l’enseignement. L’approche pédagogique repose sur une intégration progressive des étudiantes et étudiants dans des projets appliqués, en lien avec l’industrie. Environ 10 % des cours sont assurés par des professionnels du secteur industriel, ce qui renforce l’alignement des formations sur les besoins du marché du travail. La moitié des projets réalisés par les étudiants s’inscrivent directement dans des collaborations ou des problématiques industrielles.

Le financement de la recherche et des infrastructures repose à la fois sur le budget de l’université et sur des fonds externes. Ainsi, 45 % du financement des laboratoires provient de l’UCC, le reste étant assuré par des projets compétitifs et des partenariats avec l’industrie. Les entreprises jouent également un rôle central dans l’équipement des laboratoires et dans le parrainage de projets, ce qui contribue à maintenir des installations modernes et attractives.

Internationalisation et collaborations

L’UCC s’inscrit dans une logique d’ouverture internationale marquée. Les formations en ingénierie sont pleinement reconnues sur le plan européen et mondial, et l’université participe activement à des programmes de mobilité et de double diplôme. Des partenariats existent notamment avec l’Université du Pays basque dans le cadre d’un Erasmus Mundus en énergie, ou encore dans le domaine de l’architecture avec le projet « Remaking in Post-Industrial Cities » (REPIK), qui fédère un réseau d’écoles et de villes européennes.

La langue d’enseignement reste majoritairement l’anglais, même si l’irlandais conserve une place symbolique et identitaire. L’accueil d’étudiantes et étudiants internationaux est facilité, même si la question du logement constitue un défi majeur en Irlande, où l’offre est limitée et la demande croissante. L’UCC dispose de résidences universitaires, mais leur capacité reste insuffisante pour répondre à l’ensemble des besoins, un problème partagé par de nombreuses institutions du pays.

Vision et défis

Pour Jorge Oliveira, les défis de l’ingénierie à UCC se situent à l’intersection de plusieurs enjeux : répondre aux besoins croissants d’une industrie en pleine mutation (notamment dans la pharma, les énergies renouvelables et les technologies de pointe), maintenir une qualité pédagogique élevée avec des effectifs en augmentation, et renforcer l’attractivité internationale dans un contexte concurrentiel. La reconnaissance internationale des diplômes, l’ancrage fort avec le tissu économique régional et la qualité de la recherche sont des atouts indéniables, mais les infrastructures doivent être continuellement adaptées.

L’UCC se distingue aussi par son engagement sociétal. L’ingénierie est pensée non seulement comme un vecteur de développement économique, mais aussi comme un levier pour relever les grands défis contemporains : transition énergétique, durabilité, transformation numérique. L’approche inclusive et collaborative qui caractérise l’université se traduit par une forte interaction avec la société civile, les écoles et les entreprises.

Visite du Marine and Renewable Energy Institute

Introduction et positionnement institutionnel

La visite du Marine and Renewable Energy Institute (MaREI)[1], réalisée par le Dr Jimmy Murphy,  a permis d’illustrer concrètement l’ancrage de l’University College Cork dans les domaines de l’énergie, du climat et des ressources marines. MaREI est coordonné par l’Environmental Research Institute (ERI) de l’UCC et constitue le centre de recherche national soutenu par Science Foundation Ireland dans ces thématiques stratégiques. Il est aujourd’hui reconnu comme un institut de rang mondial, à la fois pour son excellence scientifique et pour son impact socio-économique.

Avec plus de 220 chercheuses et chercheurs issus de disciplines variées, rassemblant 13 institutions partenaires et collaborant avec plus de 100 entreprises, MaREI s’impose comme une plateforme interdisciplinaire unique. Ses partenariats s’étendent à 37 pays, associant universités, gouvernements et acteurs industriels. Cette envergure témoigne de la capacité de l’Irlande à fédérer des compétences et à se positionner sur les grands enjeux internationaux de la transition énergétique et du développement durable.

Missions et axes stratégiques

L’activité de MaREI repose sur trois grands piliers complémentaires :

  • Informer les politiques publiques : l’institut alimente la base scientifique nécessaire aux décideurs nationaux et internationaux dans les domaines de la transition énergétique, de l’action climatique et de l’économie bleue. Il développe ainsi une expertise reconnue, destinée à renforcer la qualité des politiques mises en œuvre.
  • Soutenir l’industrie : MaREI accompagne le développement de solutions technologiques pour les entreprises, allant de la conception de nouveaux produits à la création de services et d’emplois. Il contribue également à la montée en compétences du tissu industriel grâce à des activités de transfert de savoirs, de formation et d’entrepreneuriat.
  • Engager la société : l’institut accorde une place importante à la sensibilisation et à la participation citoyenne. Il propose des activités de formation, d’éducation et de diffusion des connaissances visant à renforcer la littératie scientifique dans les domaines de l’énergie et du climat.

Cette triple mission fait de MaREI un acteur clé non seulement de la recherche académique, mais également de l’innovation industrielle et de l’engagement sociétal.

Les infrastructures expérimentales

La visite a permis de découvrir plusieurs installations de pointe qui font la renommée internationale de MaREI, regroupées dans le Beaufort Building de Ringaskiddy, à proximité immédiate du port de Cork. Ces laboratoires constituent une plateforme unique pour l’expérimentation et le développement de technologies marines et énergétiques.

Le laboratoire de vagues linéaires

Le premier dispositif visité est un bassin de 10 mètres de long, 2,5 mètres de large et 1,3 mètre de profondeur, équipé d’un générateur de vagues à palettes articulées. Ce bassin permet de reproduire différents spectres de vagues (monochromatiques et polychromatiques) avec une hauteur significative allant jusqu’à 0,2 mètre et des périodes de 0,5 à 2 secondes. Une plage parabolique absorbe les ondes, garantissant un temps de stabilisation réduit.

Ce bassin est utilisé pour tester des prototypes de dispositifs de récupération de l’énergie des vagues à échelle réduite (1/50 à 1/75). Les essais sont accompagnés d’un support technique spécialisé, permettant aux développeurs d’évaluer les performances de leurs dispositifs en conditions contrôlées. La mise en place prochaine d’un système de capture de mouvement en partenariat avec OMEY Labs renforcera encore la précision des analyses.

L’Open Ocean Emulator et le Deep Ocean Basin

Deux autres bassins de grande envergure complètent l’équipement :

  • L’Open Ocean Emulator, d’une superficie de 25 x 18 mètres et d’une profondeur de 1 mètre (avec une section centrale atteignant 2,5 mètres), est destiné à tester des structures marines variées : plateformes flottantes, convertisseurs d’énergie houlomotrice, éoliennes offshores ou encore infrastructures pétrolières et gazières.
  • Le Deep Ocean Basin, de 35 x 12 mètres et 3 mètres de profondeur, est équipé de seize générateurs de vagues capables de produire des houles jusqu’à 1,1 mètre de hauteur. Son plancher modulable permet de simuler des conditions opérationnelles et extrêmes à différentes échelles, notamment 1/15 pour les conditions de fonctionnement et 1/50 pour les vagues de survie.

Ces infrastructures offrent un environnement unique en Europe pour la validation hydrodynamique de prototypes, la modélisation de systèmes d’amarrage, la caractérisation des efforts et la validation de modèles numériques.

Le canal à vagues et courants

Un autre dispositif particulièrement polyvalent est le Wave and Current Flume, un canal de 28 mètres de long et 3 mètres de large, capable de générer simultanément des vagues et des courants. Huit générateurs de vagues et trois propulseurs permettent d’atteindre des vitesses de courant supérieures à 1 m/s, tandis qu’un chariot tracteur mobile permet de simuler les déplacements de structures. Ce canal est utilisé tant pour les travaux de recherche que pour la formation des étudiantes et étudiants.

Le laboratoire électrique

Enfin, le Electrical Laboratory complète le dispositif expérimental en permettant de reproduire à petite échelle le fonctionnement de réseaux électriques. Ce système à double bus triphasé de 400 V intègre des éléments de génération, de stockage et de consommation, pouvant fonctionner en parallèle avec le réseau ou en mode îloté. Il permet de tester des systèmes de conversion d’énergie, d’évaluer la performance des dispositifs de prise de puissance (Power Take-Off – PTO) et de modéliser des scénarios de gestion de réseau.

Services et partenariats

MaREI ne se limite pas à un rôle académique : il propose une large gamme de services aux industriels et aux développeurs de technologies. Ces services incluent des essais sur prototypes, l’acquisition et l’analyse de données, la validation de modèles numériques, ainsi que l’accompagnement logistique (hébergement, installation, transport).

L’institut entretient des collaborations étroites avec des acteurs industriels majeurs, en particulier dans les secteurs de l’éolien offshore, des énergies marines renouvelables et des biotechnologies. Plus de 109 partenaires industriels sont associés aux projets de recherche, ce qui témoigne de l’intégration du centre dans les chaînes de valeur.

Impact et perspectives

Au-delà de son rôle scientifique, MaREI se positionne comme un levier de développement économique et sociétal. Ses travaux contribuent directement aux politiques publiques irlandaises en matière de transition énergétique et de protection des océans. L’institut accompagne également l’émergence de start-up technologiques et soutient la création d’emplois qualifiés dans des secteurs en forte croissance.

Par ses activités de recherche, d’innovation et de diffusion, MaREI contribue à renforcer la place de l’Irlande comme hub européen dans le domaine des énergies renouvelables et marines. L’institut incarne une approche intégrée, alliant excellence scientifique, soutien à l’industrie et engagement auprès de la société civile.

Cork Centre for Architectural Education

La troisième visite s’est déroulée au Cork Centre for Architectural Education (CCAE), dirigé actuellement par le Dr Jason O’Shaughnessy (directeur par intérim). Le centre est le fruit d’un partenariat entre le Munster Technological University (MTU) et l’University College Cork (UCC), créé en 2006. Il propose un programme complet allant du BSc (Honours) en Architecture (4 ans, Level 8, CAO Code CK606) jusqu’au Master of Architecture (M.Arch, 1 an, Level 9), soit cinq années de formation au total, accréditées par le RIAI et reconnues dans le droit irlandais.

Le CCAE se présente comme un environnement riche et collaboratif, favorisant l’émergence d’idées novatrices pour le développement de l’architecture au XXIᵉ siècle et la réflexion sur le rôle de la profession dans la société. L’environnement d’apprentissage est lié au bâtiment qui accueille le centre avec un extérieur en brique rouge classique et un intérieur moderne et lumineux, structuré autour d’un hall triangulaire ouvert qui s’élève jusqu’au toit. Chaque cohorte dispose de son propre espace, avec une visibilité sur les autres années, ce qui favorise les échanges. Les bureaux du personnel, situés au dernier étage, bénéficient d’une vue panoramique sur la ville de Cork.

Au niveau de la pédagogie, l’aspect technique et classique de la profession, notamment la réalisation de maquettes, est davantage mis en avant au niveau du bachelor (BSc Hons), tandis que le master insiste sur la créativité, la recherche et l’expérimentation. Il est possible de voir les travaux du BSc Hons pour l’année 2023 :

L’année du master, incluant le travail de master est basée sur une thématique commune à tout le corps estudiantin. L’année débute par une visite du site et analyse de la problématique. En 2025, les étudiantes et les étudiants ont travaillé sur la reconversion d’une friche urbaine à Marseille. Chaque personne a documenté le site par des prises de notes et des croquis sur place, puis a développé des prototypes et propositions architecturales d’une nature plutôt artistique. L’approche au niveau master semble focalisée sur le côté artistique et critique, intégrant la dimension socio-culturelle et écologique. Les étudiantes et les étudiants, dans le cadre spécifique du projet se sont appuier sur une lecture de Marseille comme « laboratoire urbain » et espace de tensions entre réel et imaginaire, à travers des références à Walter Benjamin, Roland Barthes, ou encore Le Corbusier. Cette démarche illustre la volonté du programme de former des architectes capables d’articuler des approches conceptuelles, artistiques et sociales.


[1]      https://www.marei.ie, consulté le 21.08.2025

Analyse

L’Université de Cork (UCC) illustre un positionnement affirmé en tant qu’acteur académique, économique et sociétal du sud-ouest irlandais. Sa force repose sur un équilibre entre tradition académique et engagement envers l’innovation, que ce soit à travers des programmes pluridisciplinaires, des partenariats industriels ou des initiatives en durabilité. L’ancrage régional est particulièrement marqué : UCC interagit de manière continue avec les secteurs économiques locaux, ce qui lui permet de rester en phase avec les besoins du marché et de renforcer l’employabilité de ses diplômées et diplômés. Cette logique rappelle le modèle de la HES⁠-⁠SO, où la formation est étroitement liée aux attentes professionnelles et sociétales.

L’attractivité de l’institution se confirme par ses effectifs croissants : plus de 26 000 étudiantes et étudiants inscrits en 2024/2025, auxquels s’ajoutent environ 1 300 doctorantes et doctorants. Les programmes couvrent un spectre large, allant des sciences humaines aux sciences appliquées, et reposent sur quatre collèges disciplinaires. Le dynamisme de l’ingénierie et des sciences, renforcé par la présence de centres de recherche spécialisés tels que MaREI, confère à UCC une visibilité internationale dans des domaines stratégiques comme l’énergie, le climat et la mer.

Sur le plan académique, l’architecture des programmes se distingue par l’existence du bachelor of honours, spécificité du système irlandais. Cette étape supplémentaire d’un an, qui complète le bachelor « classique » (3 ans), permet de proposer une équivalence avec le cycle long (240 ECTS), renforçant l’accès au master. L’organisation reflète également un enjeu financier : les frais d’inscription sont modérés au niveau bachelor grâce à l’initiative nationale de gratuité partielle (Free Fees Initiative), tandis qu’ils deviennent nettement plus élevés au niveau master. Par exemple, un cursus de master en ingénierie affiche des frais annuels d’environ 8 000 €, auxquels peuvent s’ajouter des « bench fees » spécifiques (2 500 € pour la biologie marine), ce qui explique la valeur stratégique du bachelor of honours pour de nombreux étudiants.

UCC se distingue par ses infrastructures de recherche de pointe, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables. L’institut MaREI en constitue un exemple emblématique, combinant recherche appliquée, partenariats industriels et soutien aux politiques publiques. Cette articulation entre recherche, innovation et formation illustre une vision intégrée du rôle de l’université dans la société, au bénéfice de la compétitivité régionale et nationale.

Enfin, l’université met en avant son engagement en matière de durabilité et de responsabilité sociétale, tant dans son fonctionnement interne que dans son offre académique et ses partenariats. Cela conforte son rôle de pôle académique majeur au service de la transition écologique et numérique.

ObjectifObservations
1. Développement des programmes en collaboration avec les milieux professionnels 
1.1 Analyser les stratégies adoptées pour intégrer des partenariats avec les entreprisesPartenariats structurés avec plus de 100 entreprises (PME, start-up et grandes entreprises), soutenant innovation et insertion professionnelle.
1.2 Identifier les pratiques innovantes de co-construction répondant aux besoins du marchéDéveloppement de programmes en lien avec la transition énergétique et numérique, renforçant l’adéquation formation–marché.
2. Attractivité des formations en ingénierie 
2.1 Étudier les initiatives visant à renforcer l’attractivité des filières, notamment en lien avec l’employabilitéMise en avant de l’expérience pratique (stages, projets en laboratoire, interaction avec clusters). Forte employabilité dans les secteurs porteurs (énergie, climat, marine, sciences de la vie).
2.2 Analyser les dispositifs mis en place pour attirer davantage d’étudiantes et d’étudiantsDiversité des profils accueillis (plein temps, partiel, formation continue). Position géographique et offre académique pluridisciplinaire constituent des atouts d’attractivité.
3. Formation courte versus cycles longs 
3.1 Comparer les programmes professionnalisants courts avec les filières classiques (5 ans)Le bachelor of honours agit comme passerelle stratégique vers le monde du travail ou le master, tout en évitant un décrochage entre cycles bachelor et master.
3.2 Identifier les forces et limites des deux systèmes (flexibilité, employabilité, transfert de compétences)Forces : flexibilité, adaptation aux moyens financiers, reconnaissance européenne. Limites : coûts élevés du master qui freinent une partie des étudiantes et étudiants.
4. Flexibilité des formations 
4.1 Explorer les dispositifs favorisant la modularité : VAE, micro-certifications, parcours hybridesReconnaissance des acquis non traditionnels (formation continue, part-time learning). Ouverture à des parcours hybrides.
4.2 Étudier l’effet de ces dispositifs sur la réussite académique et les parcours individualisésLes étudiantes et étudiants peuvent ajuster la durée et le coût de leur parcours selon leurs ressources et leurs objectifs.
5. Articulation entre enseignement et recherche 
5.1 Analyser des exemples de collaboration réussie entre enseignement et rechercheUCC se caractérise par une forte synergie enseignement–recherche comme par exemple le MaREI et d’autres instituts qui démontrent l’intégration des enjeux industriels et sociétaux dans les programmes de recherche et d’enseignement.
5.2 Identifier les pratiques favorisant la participation des étudiantes et des étudiants à la recherche dès le bachelorParticipation progressive, en particulier au niveau master et doctorat. Implication plus limitée des bachelors dans la recherche directe, mais projets appliqués intégrés dès les premières années.

Conclusion

La visite à l’University College Cork (UCC) a permis de mettre en lumière une institution solidement ancrée dans son territoire et ouverte sur l’international. Fondée en 1845, elle s’est affirmée au fil du temps comme l’une des universités de référence en Irlande, combinant traditions académiques et orientation vers l’innovation. Le campus, situé au cœur de Cork, illustre cet équilibre entre héritage patrimonial et infrastructures modernes.

Les échanges avec les responsables académiques ont montré une dynamique forte dans les domaines de l’ingénierie, des sciences, de l’énergie et de l’architecture. La structuration en quatre « Colleges » offre une lisibilité institutionnelle claire et favorise les collaborations interdisciplinaires. L’entretien avec le doyen de l’ingénierie et de l’architecture a mis en évidence la cohérence d’un modèle qui relie étroitement formation et recherche, dans un cadre reconnu par les standards internationaux (FEANI, Washington Accord).

La visite du centre MaREI a illustré de manière exemplaire la capacité de l’UCC à fédérer des compétences académiques et industrielles autour de thématiques cruciales : transition énergétique, climat et économie bleue. L’ampleur des infrastructures, la diversité des partenariats et l’impact sur les politiques publiques et le tissu socio-économique positionnent ce centre comme un acteur majeur au niveau européen.

Enfin, la découverte du Cork Centre for Architectural Education a montré une pédagogie innovante, articulée autour de la créativité, du travail collectif et de l’ouverture internationale. La place accordée aux projets concrets, comme celui mené à Marseille, illustre l’importance d’une formation qui allie rigueur académique, engagement artistique et dimension sociétale.

Au-delà des spécificités institutionnelles, la réflexion sur le système éducatif irlandais a souligné les différences avec le modèle suisse, notamment par la coexistence entre bachelor, bachelor with honours et master, ainsi que par la question des frais de scolarité. Cette configuration offre une flexibilité intéressante, bien qu’elle introduise également des choix stratégiques pour les étudiantes et étudiants. En définitive, l’UCC se présente comme une université dynamique, où les partenariats avec l’industrie, l’ouverture internationale et l’engagement pour le développement durable constituent des leviers centraux. Les échanges réalisés ouvrent des perspectives de collaboration enrichissantes, tant pour le domaine académique que pour les relations institutionnelles.

Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à toutes les personnes qui ont rendu cette visite possible et enrichissante.

Mes remerciements vont particulièrement à Prof. Jorge C. Oliveira, doyen de l’ingénierie et de l’architecture, pour son accueil chaleureux et la richesse des échanges. Je remercie également Dr Jimmy Murphy et l’équipe du MaREI Institute pour la présentation détaillée des infrastructures de recherche et des projets en cours, ainsi que Dr Jason O’Shaughnessy, directeur par intérim du Cork Centre for Architectural Education, pour sa disponibilité et la visite inspirante des locaux et des projets étudiants.

Enfin, je tiens à remercier l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs de l’UCC pour leur ouverture, leur engagement et la qualité des discussions. Ces échanges ont permis de mieux comprendre les spécificités du système universitaire irlandais et d’identifier de nombreuses pistes de coopération future.

À toutes et à tous, un grand merci pour votre disponibilité, votre engagement et votre ouverture, qui témoignent de la vitalité de votre institution et de son ancrage dans les défis contemporains. Ces échanges nourriront assurément les réflexions du Conseil de domaine Ingénierie et Architecture de la HES⁠-⁠SO.